sommaire cinéma
@ chroniques de films
articles

Inscrivez-vous à la newsletter PurJus

chroniques cinéma


Kill Bill de Quentin Tarantino
Avec : Uma Thurman, Lucy Liu, David Carradine, Michael Madsen, Daryl Hannah
Bloody Married : la recharge et la révolution sont ici

Le jour de ses noces, une tueuse à gages est laissée pour morte par ses anciens complices : les Vipères Assassines. Après un coma de quatre ans, la mariée n’a plus qu’une idée en tête : se venger en éliminant un à un ses exécuteurs avec pour cible finale le commanditaire, Bill.

Six ans qu’on attendait son nouveau film ! Il faut dire que Tarantino a su prendre son temps une fois sa renommée faite. Il avait prouvé avec Jackie Brown un remarquable talent de direction d’acteurs mais surtout qu’il pouvait faire autre chose en adaptant le roman d’Elmore Leonard, qu’il n’était pas un simple talent éphémère. Par ailleurs il a toujours pensé que la forme la plus pure du cinéma résidait dans l’action, il était donc normal que ce touche à tout s’essaye à ce genre ô combien périlleux. Son premier choix s’est porté sur l’écriture d’une histoire tellement simple que le titre à lui tout seul suffirait à résumer. Une simplicité surprenante quand on se souvient à quel point il était difficile de produire un résumé suffisamment conséquent de Pulp Fiction. Mais Vincent Vega ne disait-il pas à Julius Winfield dans ce même film, authentique plaisir de la narration, que ce sont « ces petites différences qui font LA différence ? » Assurément !

La différence première réside dans le soin que Tarantino apporte tout particulièrement aux choix musicaux : dès les premières minutes, on est transporté par la mélancolie que produit Nancy Sinatra et son Bang Bang pour lorgner par la suite vers la pop japonaise et le disco aux accents mexicains. Ce mélange colle au déroulement de l’histoire, apparemment simple. Cette apparence de simplicité est nécessaire pour que Tarantino jouisse d’une totale liberté stylistique que ce soit sur le plan de la narration, de la forme et de la caractérisation. Composé de chapitres d’inégales longueurs, racontant dans la discontinuité le parcours de la mariée, Kill Bill vol 1 semble être aussi la matrice scénaristique d’une envie respectable : compiler le meilleur des genres ayant marqués cet aficionado de cinéma bis qu’est Tarentino.

Chaque chapitre recèle diverses influences allant de la blaxploitation, au film de kung-fu, en passant par Brian de Palma et Sergio Leone tout en mélangeant allègrement le film de yakusas avec celui de samouraïs, allant même jusqu’à emprunter la musique de la série télé L’homme de fer, le cinéaste ne se refuse rien. Mais sa force est de ne pas se contenter d’empiler ces références mais au contraire de les digérer pour en faire une relecture intelligente et favoriser la réappropriation. Ce cheminement permet à Tarentino de fréquemment dépasser les modèles originaux et de faire passer le film comme une lettre à la Poste en affichant clairement son détachement avec le réel.

En effet, cette stylisation extrême de la mise en scène permet à Kill Bill vol 1 de décrocher le statut de film le plus sanglant de Tarantino. Mais pas le plus violent. Cette distanciation par le spectaculaire des geysers de sang et des membres tranchés fait nettement moins mal que M. Blonde torturant pour le plaisir le malheureux flic dans Reservoir Dogs. Et quand il sent que cette mise à distance n’est pas suffisante, il le fait de façon étonnante et inattendue : il insère une séquence animée de type manga. De cette façon il contourne la censure face à la description d’un drame particulièrement ignoble et il annonce une partie japonaise irréelle tout en ajoutant une influence à son catalogue.

Cette partie tokyoïte atteint son zénith avec le massacre attendue de la Villa Bleue et, face à un tel spectacle, on prend conscience que Kill Bill vol 1est son film le plus abouti sur le plan ludique et visuel. La traversée du dancing par O-Ren-Ishii, Sofie Fatale et Gogo Yubari et l’encerclement de la mariée par les Crazy 88 témoignent tout autant de cette beauté saisissante que cet incroyable combat parfaitement mis en scène et ce, sans aucune aide numérique.

Enfin la réussite de Kill Bill vol 1 ne serait pas telle sans Uma Thurman. Elle est l’émotion du film, la mélancolie promise par Nancy Sinatra, ce qui évite au film de sombrer dans le puéril rêve de gosse. Si l’on ignore son nom, elle reste paradoxalement la plus humaine, par conséquent son isolement devient inévitable. Et plus elle avance dans sa quête d’extermination plus sa solitude s’amplifie (on remarquera parallèlement que les extérieurs sont rares et ont tendance à appuyer cet isolement). Par les pleurs face à la perte de son enfant, par la détermination dont elle fait preuve, elle humanise ce monde d’artifice, cette pure fiction.

Hélas la construction même de Kill Bill vol 1 empêche de donner un avis définitif sans avoir vu le volume 2 et si le cliffhanger est judicieux, il n’est absolument pas plaisant. Donc Kill Bill vol 1 ne restera qu’un magnifique prologue jusqu’à mi-2004.
J.F. 

< autres chroniques



Copyright 2000-2024 PurJus.net - <redac [AT] purjus [POINT] net> [*]
([*] veuillez supprimer les espaces pour former l'adresse mail réelle, merci -
ceci est fait pour lutter contre les collecteurs automatiques d'emails -
anti-spam)