chroniques cinéma
Le Village de M. Night Shyamalan |
Avec : Joaquin Phoenix, Bryce Dallas Howard, Adrian Brody, William Hurt, Sigourney Weaver, Brendan Gleeson |
La grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf… Dans un village, ambiance Nouvelle-Angleterre, loin de toute civilisation, avec maisons en bois, conseil des sages, discipline mormone, les habitants craignent ceux-qu’on-ne-doit-pas-nommer, sorte de bêtes sauvages bipèdes avec dents et griffes démesurées peuplant le bois autour du dit village et empêchant ses habitants de se rendre jusqu’en ville. Tant mieux la ville est corrompue par le péché si l’on en croit les anciens… jusqu’à ce que la maladie frappe à nouveau cette communauté autarcique… Shyamalan est devenu célèbre grâce à Sixième Sens, il y cinq années de cela. Le film témoignait d’un style certain et d’un refus des effets grand-guignolesques, il était particulièrement jubilatoire et par certains moments, on se disait qu’il y avait du Henry James chez ce réalisateur pour faire ressentir avec autant de force l’insoutenable poids des morts sur les vivants… Un talent prometteur encombré toutefois par une mystique de bazar et un côté moralisateur digne d’un Spielberg des mauvais jours ; deux défauts qui allaient se confirmer par la suite avec le pompier Incassable et surtout Signes, faux film hommage à la science-fiction des années 1950 et vrai catharsis post 11 septembre. A chaque fois un glissement vers le fantastique et un retournement de situation final, telle est la signature de celui que l’on a désigné comme étant le successeur d’Hitchcock. Seulement quand le maître du suspense maîtrisait parfaitement ses outils, il parvenait, dans ses plus grandes œuvres, à mener en sous-marin des réflexions sur des thèmes sentant le soufre (la pulsion nécrophile dans Vertigo, le voyeurisme et son impuissance dans Rear Window par exemple). Shyamalan, lui, continue film après film de répéter le même tour de passe-passe… …Car Le village est l’œuvre d’un réalisateur qui se croit plus malin que son public mais qui surtout se butte à ses propres limites : l’intrigue de ce film a pour unique but de préparer les traditionnels retournements finaux. Or, en persistant dans cette voie, il devient très prévisible car le spectateur commence à comprendre que la théorie cartésienne des sens trompeurs ne marche jamais aussi bien qu’avec un film de Shyamalan. Donc le spectateur doute, réfléchit et devine assez facilement la teneur des très (trop ?) grosses surprises finales. Cela ne concerne que la fin, pourrait-on dire…Justement, Sixième sens était déjà un film intéressant et bien mené sans la surprise finale ce qui est loin d’être le cas du Village. Hormis quelques plans bien éclairés par Roger Deakins, le chef opérateur attitré des frères Coen, il n’y pas grand chose à sauver entre la lourdeur de l’interprétation (premier faux pas notable de Joaquin Phoenix, jeu d’Adrien Brody en attardé mental trop appuyé et la transparence de Sigourney Weaver), les dialogues ampoulés sur la foi et surtout l’incroyable mollesse des scènes dites “d’épouvantes” : sans l’appui de la musique de James Newton Howard, ces scènes ne dégagent rien alors qu’Hitchcock, dans Les oiseaux, créait une authentique terreur dans un film totalement dépourvu de musique de fosse. Mais le plus fâcheux demeure ce message très ambigu : critique sur l’isolationnisme ou au contraire ode à l’obscurantisme, voire justification du mensonge public par la croyance populaire ? Difficile de trancher…en revanche il est certain que si Shyamalan ne veut pas lasser son public, il a tout intérêt à se débarrasser de ses gimmicks les plus gênants... J.F.
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