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Clean de Olivier Assayas
Avec : Maggie Cheung, Nick Nolte, Béatrice Dalle, Jeanne Balibar, Don McKellar

Quand on n’a pas le choix, on change

Emily et Lee étaient emblématiques de la génération sex, drugs and rock’n’roll…sur le déclin. Emily, dévorée de l’intérieur par l’orgueil et l’héroïne, ne voyait pas que son rocker (et compagnon de défonce) n’était plus dans le coup. Une violente engueulade et un mauvais trip plus tard, Emily revient à la réalité pour vivre un cauchemar éveillé : Lee vient de mourir d’une overdose et Emily prend six mois pour détention d’opiacés.

L’intention d’Assayas est simple et, malgré tout, difficile à concrétiser : suivre l’évolution d’Emily, sa reconstruction car après six mois de remise en cause, une seule chose compte, voir son petit garçon grandir. Mais pour y arriver, il va falloir prouver aux tuteurs de ce dernier –les parents de Lee– qu’elle peut décrocher de l’héroïne et vivre à son propre compte. Dès le générique de début, Assayas trouve le bon tempo. Après le déchaînement de guitares saturées de Sonic Youth dans le cyber-thriller clinique et prétentieux qu’était Demonlover (bide retentissant au passage), Assayas prend le spectateur mélomane à contre-pied en ouvrant son film sur les cheminées fumantes d’une zone industrielle canadienne sur le funèbre An Ending de Brian Eno. Il annonce que les 110 minutes à venir seront celles qui vont résumer au mieux sa carrière sans pour autant renoncer à l’audace car Clean ne serait pas son film le plus abouti et émouvant sans ce perpétuel questionnement planant au-dessus du récit, sans le choix savant des ellipses quant au parcours chaotique d’Emily.

Bien sûr Olivier Assayas conserve les points forts qui ont fait sa renommée, notamment dans l’incroyable fluidité des scènes de foule et de déplacement et son sens aigu du détail apparemment insignifiant et pourtant révélateur mais tout ceci est magnifié par une profonde sobriété, absente de ses derniers films. Car Clean marque aussi la fin des illusions quand le cinéaste nous décrit un microcosme parisien où une génération élevée dans un idéal post-soixante-huitard idéaliste et romantique se voit rattrapée par la norme et le cynisme. Entre une Béatrice Dalle amère et la carriériste rancunière interprétée par Jeanne Balibar se dégage une impossibilité de concilier la rock’n’roll attitude et la vie de famille stable et une certaine résignation à vivre la vie de Monsieur-Madame-Tout-Le-monde, aussi moche soit-elle.

Mais l’intensité de Clean ne serait pas telle sans les deux interprètes principaux. Maggie Cheung est aussi bouleversante en ce début de XXIe siècle qu’en 1962 chez Wong-Kar-Wai. Car si elle est mise à nu comme jamais, cela ne veut pas dire qu’elle soit une sainte ou même sympathique, elle fait vraie, tout simplement. Face à un grand Nick Nolte qui porte les souffrances de Albrecht sur son seul visage usé par le temps, Maggie Cheung se confond avec Emily au point que son besoin d’évoluer en tant qu’actrice est à peine dissimulé par celui de réinsertion de son personnage.

C’est d’ailleurs ce qui donne un parfum d’inédit à Clean car le film baigne dans l’interrogation et le relativisme. Toute certitude en est absente et même si l’horizon se dégage pour Emily à la fin, le facteur d’incertitude reste tapi dans l’ombre avec pour voisin cette terrible peur de vivre.
J.F. 

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