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Le Cauchemar de Darwin de Hubert Sauper
Avec : Un documentaire de Hubert Sauper

L’œil de la Mondialisation

Tout commence dans les années soixante avec l’introduction de la perche dans le lac Victoria. Ce poisson carnassier dévore la faune locale provoquant au passage la ruine des pêcheurs qui habitent au bord du lac. Les autorités tanzaniennes décident alors de tirer profit de ce coup du sort et développent à partir des années quatre-vingts, la pêche intensive de la perche, poisson dont la chair blanche est particulièrement appréciée en Occident.

Documentariste d’origine autrichienne, Hubert Sauper enregistre les dérives de la mondialisation saisies à travers cet exemple terrifiant. Le désastre écologique s’accompagne en effet d’un désastre économique. Le cinéaste parcours l’ensemble de la chaîne alimentaire : pêcheurs affamés, ouvriers des usines de conditionnements guère mieux lotis, vigiles désabusés, jeunes femmes entraînées dans la prostitution pour survivre, pilotes de lignes désoeuvrés. Sa caméra ne souligne rien, et ne joue en aucun cas la carte du misérabilisme. Il suffit de tourner, les images parlent d’elles-mêmes pour l meilleur et malheureusement pour le pire.

Au centre du dispositif, les avions occupent une place prépondérante. Ils arrivent souvent vides pour embarquer les cargaisons de poissons. Ils amènent parfois quelque aide humanitaire. Huber Sauper émet l’hypothèse qu’ils convoient peut être des armes, armant de fait les conflits les plus meurtriers des Grand Lacs. Cette accusation très grave, le cinéaste ne parvient pas à l’étayer. Tout au plus, parviendra-t-il à recueillir le sourire gêné de pilotes russes mal à l’aise devant l’insistance du cinéaste. Ainsi en filigrane, le Cauchemar de Darwin illustre la lente agonie du continent africain mis en coupe réglée par les pays occidentaux.

A qui profite l’exploitation de la pêche, ressource naturelle, étrangement exporter contre de l’aide humanitaire ? Sûrement pas aux africains. Ils ne peuvent même pas acheter le poisson qu’ils ont pêché ou conditionné. Ils ne leur reste plus que les miettes, têtes, arrêtes et autres déchets retraités dans des terrils dépotoirs où les vapeurs d’ammoniac issues de la décomposition du poisson achève encore un plus la population locale. Aucun pathos, juste l’horreur économique, des faits saisis par la caméra du cinéaste. La mondialisation, ce n’est pas que l’ouverture des frontières, la libre circulation des biens et des personnes. C’est aussi un œil qui se ferme progressivement rongé par les vapeurs d‘ammoniac, un océan de tristesse.
J.H.D. 

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