chroniques cinéma
Wallace & Gromit - Le mystère du lapin-garou de Nick Park et Steve Box |
Avec : avec les voix de Helena Bonham Carter, Peter Sallis, Ralph Fiennes, Peter Kay, Nicholas Smith |
L’horreur végétale et le bonheur argileux Une petite ville british à souhait est gagnée chaque année par une « fièvre végétarienne » à l’approche du concours de légumes géants, compétition qui, malheureusement, attire son lot de lapins gloutons incontrôlables. Les pièges traditionnels se révélant dérisoires, les villageois se tournent vers Wallace & Gromit, réputés pour conjuguer efficacité et respect des animaux… puisque les rongeurs, une fois capturés, se la coulent douce au domicile du tandem. Seulement, nos amis se retrouvent rapidement dépassés. Wallace décide alors de les déconditionner de leur voracité potagère en les bombardant d’ondes anti-légumes directement extraites de son cerveau d’esclave du fromage. Mais braver les lois de Dame Nature n’est pas sans conséquence… Alors que l’on entre dans le dernier quart de 2005, un premier bilan peut-être tiré dans le domaine du cinéma d’animation : une semaine avant les Burtonniennes Noces Funèbres, ce Mystère du Lapin-Garou de Nick Park annonce en fanfare que cette année sera celle de l’animation en volume face à l’absence de Pixar et Ghibli (sauf énorme surprise, Chicken Little des studios Disney a peu de chances de faire jeu égal avec Les Indestructibles. Reste toutefois l’inconnue Kirikou). Un contexte idéal pour signer le retour en force du studio Aardman dont on était resté sans nouvelles depuis bien trop longtemps. Et surtout des circonstances rêvées pour que Nick Park remette les pendules à l’heure après l’expérience sympathique mais un poil trop policée de Chicken Run… Dix ans après le génial Rasé de près, il offre 85 minutes au mutique chien bienveillant Gromit pour tirer Wallace d’un énième mauvais pas. Soit un long-métrage quand il n’a eu jusqu’à présent que 30 minutes. Alors, faut-il redouter la dilution du génie sur un format trois fois plus long ? Que nenni ! Le Mystère du Lapin-Garou consacre la maîtrise de Nick Park sur son art. Ceux qui ont été subjugués par Les Noces funèbres risquent certainement de juger cette quatrième aventure du duo mythique comme étant moins maîtrisée. Ils ont tort. De prime abord, le conte gothique de Burton s’avère plus stupéfiant sur le plan de la fluidité des corps et des visages mais ce visuel lissé se fait parfois aux dépens de la souplesse du récit. Dans Le Mystère du Lapin-Garou, on est surpris puis enchantés de retrouver le côté artisanal et faussement foutoir des courts-métrages de Nick Park, caractérisé par ses restes d’empreintes digitales sur ses personnages de plasticine. Car si le savoir-faire technique impose d’office le respect, cela importe moins que la conduite du récit. Et sur ce point, le réalisateur britannique n’a de leçons à recevoir de personne ! Sa capacité à reconduire la cadence débridé des courts-métrages sur une heure et demie est hallucinante par le choix judicieux des aménagements nécessaires à sa transformation en long. Parmi eux, de savoureux personnages emblématiques d’une petite ville anglaise (un révérend aimant son prochain sauf s’il concourt pour les citrouilles géantes, un pakistanais à l’accent impayable, une châtelaine peu farouche et au sourire « chargée »), de véritables clichés de l’Angleterre semi rurale malmenés par un humour décapant, présent tout au long du film. Oui, on rit énormément dans Le Mystère du Lapin-Garou… pas de ce ricanement gras et irrévérencieux mais plutôt le rire léger de l’enfant qui est en nous, celui déclenché par un film de Chaplin ou de Buster Keaton puisque Gromit est un peu le successeur de ses héros du muet tant son incroyable expressivité vaut tous les discours (qu’il tricote, qu’il cajole sa courgette, quoi qu’il fasse, il est irrésistible !). Le film allie ainsi parfaitement le burlesque élémentaire des comédies muettes (le bon coup de massue géante) à l’humour anglais basé sur des jeux de mots (A l’est d’Edam) et des références cachées dans l’arrière plan qui nécessiteront plusieurs visionnages. Nick Park est lui-aussi dans un sens le brillant héritier de sa propre cinéphilie parce qu’il ne fait pas que relier les classiques d’épouvante de la Hammer comme Frankenstein ou le loup-garou à King Kong, Hitchcock et Tex Avery, il les revisite afin de mieux réinventer un univers propre à ses désirs de drôlerie, de performance de mise en scène et de divertissement ultime… Du coup, Wallace & Gromit entrent dans la cour des grands avec une aisance déconcertante et ce Lapin-Garou devient un classique instantané, un régal de civet pour les yeux et les oreilles, mitonné par le meilleur des chefs. J.F.
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