chroniques littéraires
Les Sirènes de Bagdad de Yasmina Khadra, Julliard |
La mort dans la peau Qui sont les kamikazes ? Que veulent ils ? Pourquoi se font ils exploser entraînant avec eux dans la mort des dizaines d’innocents ? Yasmina Khadra tente de répondre à cette épineuse question en suivant le destin d’un jeune bédouin irakien que rien ne prédisposait à la guerre sainte. L’invasion américaine résonne au loin de Kfar Karam, petit village perdu dans le désert. Bien sûr, jeunes et anciens débattent chaque jour du bien fondé de l’intervention militaire mais cette paisible contrée à jusqu’à présent été épargnée par le conflit. La guerre rattrape pourtant les villageois avec son cortège d’atrocités, de bavures, de missiles tirés sur une noce de mariage. Témoin impuissant, le héros de Yasmina Khadra assiste impuissant à la mort de son père infirme tué d’une balle dans le dos. Condamné à laver l’affront il se rend à Bagdad et retrouve des amis d’enfance regroupés au sein d’une cellule terroriste. Dans la fureur de la ville, libérée du joug de son tyran, il participe à des attentats, assiste à des exécutions, chaque exaction alimentant sa colère au lieu de la ramener à la raison. Pas de réponse toute faite ici, juste la description minutieuse des dérèglements qui transforme le narrateur, un homme ordinaire en candidat au suicide. La mort du père scelle son destin : « il devait lire le mépris que j’avais pour tout ce qui avait compté pour nous, la pitié que m’inspirait subitement l’être que je vénérais par-dessus tout, malgré tout ». Les idoles déboulonnées, l’honneur bafoué, le héros se tourne vers la guérilla et l’islamisme, seules entités capable de laver l’honneur familial. Quand bien même, ses amis d’enfance se livrent aux pires exactions, ils exercent sur le narrateur un énorme pouvoir de fascination car ils lui disent « exactement ce que je voulais entendre ». Plus qu’un déclic, la mort du caporal brise le héros écrasé par le remord et abandonné aux pulsions de mort les plus viles. Son seul but consiste dès lors à attendre l’occasion de tuer le plus grand nombre de civils, une opportunité qu’une cellule basée à Beyrouth peut lui fournir. Sans fard, Yasmina Khadra donne à voir la réalité de ces jeunes fanatisés bien malgré eux. Leurs contradictions également à l’image de ces villes Bagdad ou Beyrouth qu’ils détestent autant qu’elles les fascinent. L’obscurantisme se nourrit des incompréhensions, de l’incapacité des uns et des autres à se parler, un simple malentendu lourd de conséquences. Car qui sont ces ennemis qu’il faut détruire ? Des adversaires aux armes redoutables, un sourire, des gestes de tendresse, la réponse définitive d’un écrivain humaniste et engagé. Editions Julliard, 337 pages, 19 euros J.H.D.
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