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Et il y eut un matin de Sayed Kashua, Seuil
 

Entre deux mondes

Israéliens et Palestiniens ne dialoguent plus. Dans Et il y eut un matin, les citoyens arabes d’Israël vivent à l’écart dans de petits villages isolés sans le moindre contact avec leurs compatriotes juifs, si ce n’est le bruit des chars de Tsahal (Ils ne les arrêtent jamais) .Pourtant après les accords d’Oslo, Israéliens et Palestiniens et palestiniens pouvaient nourrir de grands espoirs : deux états aux frontières reconnues, une paix durable entre les deux peuples.

Profitant de cette embellie, le héros de Sayed Kashua s’est imposé comme l’un des rares journalistes arabes de la presse israélienne. Mais le gel du processus de paix et la seconde Intifada ruinent tous ses espoirs. Le reporter se retrouve rapidement mis à l’écart, réduit au rang de simple pigiste. Ne supportant pas cet acte d’ostracisme, il décide de retourner vivre dans son village natal, une enclave de la minorité arabe située non loin de Jérusalem. Mais l’armée encercle bientôt le village et impose un blocus total. Alors qu’aucune information ne filtre dans les médias, la situation sur place s’envenime à mesure que l’eau et les vivres viennent à manquer…

En quelques livres, Sayed Kashua a réussi à donner à la minorité arabe d’Israël une visibilité que la littérature israélienne traditionnelle lui refusait. Son second roman, Et il y eut un matin, donne à voir le quotidien d’arabes israéliens et leurs contradictions, partagés entre la citoyenneté israélienne et un attachement évident au peuple palestinien : Non seulement les Arabes d’Israël se sont résignés à accepter la citoyenneté israélienne mais ils avaient appris à l’aimer et craignaient de se la voir retirer. Car de l’autre côté, en Palestine, le chaos règne et le fondamentalisme religieux progresse, ce que constate tristement le héros de Sayed Kashua qui ne reconnaît plus son village.

Sayed Kashua se montre guère tendre avec les israéliens : il raille les bonnes consciences qui s’opposent à la politique menée contre les palestiniens mais qui dans le même temps refuse à son héros le droit de critiquer les autorités israéliennes sans passer pour un dangereux terroriste. Les villageois ne reçoivent qu’une information sous contrôle de l’armée israélienne ou des monarchies du Golf. Elle ne reflète bien évidemment jamais la réalité alors que dans le même temps la tension monte. L’eau manque, les ordures s’amoncellent, les vieilles rancunes entre voisins refont surface. Le moindre incident peut générer d’autant plus que rien ne vient justifier un blocus de plus en plus absurde. Entre deux mondes dans lesquels, il ne se reconnaît plus, Sayed Kashua signe une farce féroce dont l’épilogue sonne comme un avertissement pour ces compatriotes de la minorité arabe, incapables de dépasser leurs traditions et d’assumer leur double identité.

Editions du Seuil (Points), 280 pages, 7 euros
J.H.D. 

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