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Le marin rejeté à la mer de Yukio Mishima, Gallimard (Folio)
 
L’adolescence, une période difficile où les jeunes adultes recherchent des modèles pour se forger leur propre identité. Noboru appartient à une bande de durs. Aussi quand le jeune garçon découvre la relation de sa mère, une jeune veuve, avec un officier de marine marchande, il pense avoir trouver son héros. Mais Ryuji, c’est son nom, lassé par des années passé à écumer les océans déchaînés n’aspire plus qu’à se ranger et fonder une famille. Quand, les enfants s’en rendent compte, s’estimant menacés par ce trop brave homme, ils décident de l’éliminer…

Jamais un roman n’a aussi bien préfiguré les errements de l’enfance. Dès les premières pages, l’auteur insiste sur le trouble lié à la découverte du corps de la mère avant de se focaliser sur la fascination du jeune garçon pour le marin. Ce dernier est au départ déifié, son corps magnifié (« il y avait un or authentique dans sa chair, dans ce clair de lune, dans cette sueur qui brillait »). Mais il ne s’agit pas d’un attirance purement physique comme l’atteste la première rencontre avec le marin au cours d’une visite de son cargo.(« tandis que Noburu s’échappait dans tous ses rêves… »). Le style de Mishima qui consiste ici à placer la nature au centre de la narration (la nuit, l’océan , le soleil) fait jaillir un certain émerveillement presque similaire à celui du gamin pour l’amant de sa mère.

Néanmoins, le livre dérange profondément dans sa seconde moitié. Yukio Mishima essaie d’affubler les adolescents de sentiments qu’il juge noble, mais n’y parvient pas, car ses personnages demeurent beaucoup trop triviaux et débitent des stupidités. Le dessein de la bande, l’assassinat du marin, énerve et choque d’autant plus que l’auteur répète la mise à mort sur un chat dans un premier temps. L’intransigeance des jeunes s’inscrit par ailleurs avec la vie de l’auteur, mort en se faisant le fameux hara-kiri en public. Néanmoins, en retournant à l’ellipse qu’il manipule avec beaucoup plus de talent qu’il ne brasse les sentiments de son jeune héros, Yukio Mishima évite le carnage annoncé…

Editions Gallimard (Folio) 183 pages, 4.28 euros

J.H.D. 

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