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Mémoires de nos pères de Clint Eastwood
Avec : Ryan Philippe, Jesse Bradford, Adam Beach, Mike Strank

Autopsie d'une image

Une simple image peut changer le cours d’une guerre. Aussi quand Joe Rosenthal immortalise la victoire des troupes américaines sur l’îlot japonais d’Iwo Jima, il ne se doute pas de l’impact de sa photographie. Reproduite dans les journaux du monde entier, elle va bientôt devenir un symbole pour les tous les peuples du monde en lutte avec les forces de l’Axe. Surtout, elle va profondément changer une opinion publique américaine qui jusqu’ici doutait du bien fondé de l’entrée en guerre des Etat-Unis.

Clint Eastwood part donc de ce célèbre cliché où six hommes unissent leurs forces pour planter un drapeau américain au sommet du Mont Suribashi. Le montage alterne une reconstitution aussi minutieuse que spectaculaire de la bataille avec l’évocation du retour au pays de trois soldats survivants pris en photo par Rosenthal. Rapatriés, il deviennent des vedettes et participent à une vaste opération de promotion dirigée par le Ministère des Finances. Il s’agit de galvaniser les foules pour les pousser à acheter des bons du trésor destinés à financer l’effort de guerre américain.

Ira, Doc et Rene essaient tant bien que mal de remplir leur nouvelle mission mais le montage alternée les rattrape inévitablement. On apprend ainsi que les militaires avaient déjà planté deux drapeaux et que l’un des soldats était engagé à l’arrière du front. Sauf que la légende peut difficilement s’accommoder de la vérité. Les survivants vivent donc difficilement leur nouveau statut, hantés par des images de mort et le souvenir de leurs camarades disparus. Ils ne comprennent pas l’engouement soudain du pays. Certains excès provoquent même un certain malaise comme cette meringue à l’effigie des soldats et sur laquelle coule un coulis de fruits couleur rouge sang.

Entre dénonciation d’une certaine forme de propagande et l’exaltation du courage de ces hommes, Clint Eastwood parvient à trouver un remarquable équilibre. Pris au piège sur les plages du débarquement, les soldats tombent comme des mouches fauchés par les canons dissimulés par les japonais dans la montagne. L’alternance entre gros plans et plans d’ensemble plus larges renforce l’impact des images, soulignant la modeste place des individus. Rarement, la guerre n’est apparue à l’écran pour ce qu’elle est, une véritablement boucherie sans morale.

Tout ceci concourt à renforcer l’héroïsme des soldats du film mais aussi leur malaise de retour au pays. La rencontre avec la mère d’un camarade mort au combat accentue encore la honte d’être encore vivant comme s’il n’y avait de véritable héros que de héros morts. Ce n’est qu’avec le personnage de Bradley père que Clint Eastwood parvient à répondre à cette douloureuse et cruciale interogation, passant d’une description de l’histoire à sa transmission d’une génération à l’autre. Et c’est désormais l’âme en paix que nous contemplent ces héros perchés quelque part au sommet du Mont suribachi.
J.H.D. 

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