chroniques cinéma
Black Book de Paul Verhoeven |
Avec : Carice van Houten, Sebastian Koch, Thom Hoffman, Halina Reijn |
Hauts les masques Les premières images de Black Book déjoue les attentes. On attend des ruelles sombres, de la tension, de la violence mais le film s’ouvre sur le soleil de Palestine et les retrouvailles de deux femmes qui s’étaient perdues de vue. Après le départ de son amie, l’une d’entre elles se souvient dans un énorme flash-back qui emporte le film… Hollande, fin de la seconde guerre mondiale. Rachel Stein assiste impuissante à la mort tragique des membres de sa famille tombés dans une embuscade puis assassinés par les nazis. Juive et sans ressources, elle trouve refuge auprès du chef d’un réseau de résistants opérant dans la région de La Haye, Il lui confie une mission périlleuse : séduire Ludwig Müntze, un officier SS, s’introduire dans la Kommandantür et recueillir le plus d’information possible pour le réseau. Plutôt réticente, Rachel accepte pour prouver sa valeur et surtout retrouver la trace du traître qui a dénoncé sa famille. Mais elle tombe rapidement sous le charme de Müntze, un homme brisé qui attend patiemment la fin de la guerre. La position de la jeune femme devient encore plus complexe quand une partie du réseau est démantelé. Prise au piège, Rachel doit désormais trouver un moyen de sauver ses compagnons emprisonnés. De retour dans son pays natal, Paul Verhoeven ne semble pas décidé à s’assagir. Il signe ici un grand film d’espionnage, un thriller haletant qui repose sur la complexité de ses protagonistes. Rejetant tout politiquement correct, l’auteur de Total Recall n’hésite pas à présenter des résistants attirés par l’appât du gain voire antisémites et un officier nazi lassé par la guerre. Il brouille les pistes, la frontière entre le bien et le mal. Manipulée par les hommes, écrasée par le poids de la guerre, Rachel observe impuissante les armes se déchaîner. C’est ce qui la rapproche de Müntze dont la famille a été tuée lors d’un bombardement allié. Il la démasque aisément mais n’en dit pas mot. Il prépare l’après guerre et négocie en secret avec les résistants. Paul Verhoeven multiplie ainsi les trames dans une grande tradition du cinéma d’avant guerre de Fritz Lang à Hitchcock. Il ordonne un récit moins amoral qu’il n’y paraît même si une courte scène lui suffit pour relier atrocités nazies et épuration d’après guerre. Dans le rôle principal, la jeune Carice Van Houten porte le film de bout en bout mais aussi le point de vue de l’auteur. Comment garder son intégrité malgré la bassesse généralisée ? Etre soi même ne suffit pas et peut même s’avérer fatal. Aussi Rachel abuse de ses charmes et se garde bien de trahir la moindre émotion, conservant une certaine défiance envers ses compagnons. Si elle s’attache à Müntze, c’est uniquement parce qu’il perce son armure et révèle ses failles avec la promesse d’un avenir plus radieux mais rapidement remis en cause à la Libération où s’exerce la vindicte des alliés et des résistants. Les traîtres tombent les masques. Lassée de tant d’horreurs, trahie, Rachel abandonne la vieille Europe. Elle refait tout naturellement sa vie en Israël. Mais même en Terre Promise, on échappe pas à son destin, rattrapée par le bruit des armes et la guerre infinie. J.H.D.
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