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Le Film Décrypté : Blow Up de Michelangelo Antonioni
Avec : Vanessa Redgrave, David Hemmings, Sarah Miles, John Castle, Jane Birkin

L’imitation du réel

Le contraste est saisissant. D’un côté une armée de jeune mimes rieurs envahit les rues de Londres, de l’autre une file d’hommes au regard cassé quitte de pauvres baraquements. Blow Up s’ouvre ainsi sur une curieuse dichotomie : l’ordre côtoie le désordre, la modernité la misère sociale. Au milieu de la foule des déclassés, émerge David Hemmings, le héros de Michelangelo Antonioni, un photographe infiltré dans un hospice pour les besoins d’un livre. Il a passé la nuit à prendre des clichés des occupants de l’institution et rejoint au volant de sa décapotable son studio pour une séance de photos de mode, une trajectoire incongrue où se lit toute la superficialité de son existence.

Blasé, le photographe se remet en question après une curieuse rencontre dans un parc. Occupé à photographier à l’abri des regards un couple d’amoureux, il est abordé par la femme qui exige qu’il lui remette ses pellicules. Il refuse, elle vient au studio où il lui donne ce qu’elle est venus chercher. Il garde néanmoins le négatif. Les clichés l’intriguent et après un examen minutieux, il découvre la preuve d’une tentative de meurtre dans le parc…

A partir de là, tout bascule. Michelangelo Antonioni joue avec le spectateur, les images qu’il lui propose, la notion même de réalité. L’ami peintre du photographe conserve ses toiles de nombreuses années après les avoir réalisées. C’est à ce moment qu’il leur trouve un sens, une signification. Suivant la même démarche, le photographe agrandit soigneusement ses clichés. Derrière une vérité, se cache une autre vérité. Dans une scène sublime, il parvient ainsi à reconstituer le drame et le cinéaste à nous le faire vivre en juxtaposant une simple série de photographies en noir et blanc.

Mais cette interprétation n’a pas plus de poids qu’une autre. Elle doit être partagée par plusieurs personnes pour devenir réalité. D’où la puissance de la partie de tennis finale où David Hemmings en suivant du regard une balle invisible, lui donne toute sa réalité. Entre polar et métaphysique, Michelangelo Antonioni signe une œuvre subtile d’une extrême beauté formelle, portée par le Swinging London des années 60 dont le film donne un aperçu à travers la liberté sexuelle, la consommation de drogues ou la musique hypnotique composée par le grand Herbie Hancock ou celle jouée le temps d’une scène de concerte par le groupe The Yardbirds. De Argento à de Palma, Blow Up inspirera par la suite une foule de cinéastes obsédés par le sens du détail et ce que leur caméra peut enregistrer ou montrer. Michelangelo Antonioni, lui ne choisit pas et insuffle à Blow Up une étonnante liberté, celle d’un monde fascinant porté par un amour sans limite et un meurtre sans coupable.
J.H.D. 

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