chroniques cinéma
Minority Report de Steven Spielberg |
Avec : Tom Cruise, Max Von Sydow, Colin Farrell, Samantha Morton, Lois Smith, Peter Stormare |
20 ans après Blade Runner qui en son temps avait révolutionné le cinéma, Steven Spielberg
se penche à son tour sur l'univers de Philip K. Dick. Au regard des contraintes inhérentes
à ce type de production et de la situation intérieure américaine, le pire était redouté.
Dick est en effet un auteur beaucoup trop complexe pour que la machine à simplifier
la réalité qu 'est Hollywood ne l'adapte d'une manière satisfaisante et surtout pour
que Spielberg qui apparaît comme le réalisateur du paradis perdu et des gentils extra-terrestres
ne s'attaque à un univers dur, violent et sans issue. Pourtant le résultat est des
plus convaincant. L'intrigue est simple et riche en potentialité. John Anderton (Tom
Cruise) dirige la brigade Pré-crime de la police de Washington DC qui grâce aux Précogs
(des sortes d'oracles lisant le futur) intervient sur les scènes de meurtres avant
leur survenance. Fort de leur succès à Washington DC où seuls les crimes passionnels
(les boules rouges) subsistent, le créateur de la brigade Pré-crime (un étonnant Max von Sydow) tente d'obtenir une généralisation de l'intervention pré-criminelle
à l'ensemble des E-U dévastés par une recrudescence des morts violentes. Ce projet
est contesté par les associations de défense des droits de l'homme ainsi que par le Ministère de la justice fédéral qui aimerait prendre le contrôle de l'Institution.
Tout bascule lorsqu' Anderton est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas encore commis
et qu'il décide de se battre pour démontrer qu'il est victime d'un complot et prouver
qu'il ne commettra jamais ce meurtre. Sur fond de rivalité politique, il est aisé de décrypter le débat qui secoue la société américaine, doit on rechercher la sécurité la plus absolue au détriment de l'expression de libertés fondamentales comme le droit de n'être jugé que pour des faits que l'on a effectivement commis ou le droit au respect de la vie privée (comment être libre si grâce au mode de reconnaissance par l'iris on peut constamment savoir où vous vous trouvez?)?. Dans cette perspective, Spielberg réalise un film humaniste et militant en plaçant la liberté individuelle au cœur de son propos, en nous disant que la sécurité à un prix, qu'il est illusoire de croire que le mal sera éradiqué de notre société tant il fait partie de l'âme humaine et que finalement nous sommes et demeurons libres de nos actes et de notre vie. Ce film est incontournable en cette année 2002; le scénario est solide comme rarement dans ce type de production; la mise en scène de Spielberg est sûre comme à son habitude avec des amples mouvements de caméra qui balaient l'écran et avec un souci du détail rendant le futur presque tangible, le tout accompagné d'une photo futuriste et désincarnée tirant sur le bleu retranscrivant parfaitement la vision d'une société trop lisse pour être honnête. Pourtant, en dépit de ces évidentes qualités, ce film n'est qu'un film de synthèse (certes brillante) de tout ce qui s'est fait depuis une vingtaine d'années dans le domaine de l'anticipation et du futurisme. On y retrouve par exemple Brazil (les scènes d'intervention de la brigade Pré-crime rappelle étrangement celle de la police chez Turtle au début du film), Total Recall (pour les poursuites et la scène d'identification par la température corporelle) ou Strange Days (Cruise à l'instar de Ralph Fiennes revit virtuellement son bonheur passé). Mais rien de neuf ne ressort de ce film, et en dépit de ses bonnes intentions, même le propos sur les libertés est sapé par une impression dérangeante, par le syndrome du "tout ça pour ça". Car en fin de compte, malgré tous les effets de manche déployés par Spielberg, la trame de simple série B de ce film rabaisse les intentions de Spielberg à un niveau bien en deçà des potentialités d'un tel scénario. Et le spectateur peut légitimement avoir le sentiment que Spielberg l'a lâché en cours de route pour une nouvelle fois s'orienter vers une vision plus consensuelle. Comme l'un des protagonistes du film, on a nous aussi envie de lâcher que "la faille est forcément humaine". G.P.L.
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