chroniques cinéma
Le Testament du Docteur Mabuse de Fritz Lang |
Avec : Rudolf Klein-Rogge, Otto Wernicke, Gustav Diessl, Oskar Beregi, Vera Liessem |
Le testament du docteur Mabuse est le dernier film que Fritz Lang a réalisé dans l'Allemagne de l'entre-deux guerres. Fort de ses nombreux succès et d'un statut à part dans le système allemand, Lang a pu reprendre en 1933 la figure emblématique
du Docteur Mabuse. Docteur Mabuse le joueur, réalisé en 1922, décrivait une République de Weimar fantasmatique, au bord du gouffre, quasiment à feu et à sang. Ce film trouvait sa force précisément en dépassant le cadre du film de genre et en reflétant les inquiétudes de la société allemande. En 1933, l'Allemagne vit les derniers soubresauts de la République de Weimar et bascule vers le IIIe Reich, les inquiétudes des allemands sont différentes et le cinéma est devenu parlant. Comme pour marquer cette transition, la première scène du Testament du Docteur Mabuse est muette, le jeu des acteurs rappelle les riches heures du "cinéma d'avant", et puis progressivement le film prend pied dans la modernité, les premiers dialogues sont échangés, le film commence réellement. Une nouvelle organisation de malfaiteurs s'est constituée à Berlin, la police enquête sur une succession de crimes et tout semble la conduire vers le docteur Mabuse. Pourtant ce dernier, interné depuis son arrestation, vient de décéder. Avant de mourir il a toutefois laissé "son testament criminel" que le directeur de l'asile, le Professeur Baum, étudie soigneusement… Ce deuxième film de la trilogie Mabuse possède un sous-texte explicitement politique, la parabole étant plus qu’explicite. Le héros, présenté comme la chose du docteur Mabuse était forcé d'accomplir les volontés du maître criminel. La référence à Mein Kampf , était tellement claire que le film fut interdit par Goebbels. Ayant une mère juive, Lang s'enfuit immédiatement en France puis aux Etats-Unis. D'un point de vue strictement cinématographique, deux éléments méritent d'être mis en avant. Premièrement le film est doté d'une grande complexité narrative, Lang traite en parallèle pas moins de 5 sous-intrigues (Tom et sa fiancée, l'enquête de la police, les scènes de crime, les scènes à l'asile, Hofmeister). Cette variété permet au film de conserver un certain dynamisme narratif en dépit du poids des années. Deuxièmement, l'expressionnisme bien que moins présent que dans des films comme M le Maudit ou Metropolis permet tout de même à Lang de représenter la folie d'une manière particulièrement inquiétante. Toutes les scènes tournés à l'asile possèdent une grande puissance visuelle que l'on retrouvera notamment dans La trilogie des morts-vivants de Romero ou dans l'Antre de la folie de John Carpenter. Par ailleurs, les scènes figurant le dédoublement de personnalité du Docteur Baum sont devenues des références incontournables du genre. Après le Testament du docteur Mabuse, Lang sort de l'expressionnisme pour un type de cinéma plus nerveux, type "film noir" qu'il approfondira aux Etats-Unis dans des films comme Règlement de comptes ou La Cinquième victime mais il se tourne également vers le cinéma d'aventure tout public dont il livrera deux fleurons Les Contrebandiers de MoonfleetLe Tigre du Bengale. Toutefois, entouré d'une équipe moins performante que celle de la Ufa (la société de production nationale allemande) et dans l'environnement hollywoodien, la qualité des films de Lang décline nettement et définitivement au point que le Testament du Docteur Mabuse n'apparaisse rétrospectivement comme étant le testament cinématographique de Herr Lang. G.P.L.
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