chroniques cinéma
Femmes en miroir de Kiju Yoshida |
Avec : Mariko Okada, Yoshiko Tanaka, Sae Issiki, Hideo Murata, Tokuma Nishioka |
La Mère de toutes les douleurs Une dame âgée court à travers une ville déserte, une ombrelle à la main sous un soleil de plomb comme pour mieux se protéger de la lumière du jour. A priori anodine, cette séquence initiale présente déjà tous les symboles sur lesquels se construit le surprenant dernier film de Kiju Yoshida. Au centre du récit, Aï une mère à la recherche de sa fille disparue vingt ans auparavant, après la naissance de la petite Natsuki. Au début du film, elle croit la retrouver en la personne d’une énigmatique caissière, Masuko. Amnésique, la jeune femme se révèle incapable de se remémorer son passé à l’exception d’une chambre d’hôpital d’Hiroshima. Dans le même temps une journaliste contacte Aï pour obtenir son témoignage sur les évènements d’août 1945 et un mystérieux soldat américain irradié. Les trois femmes décident de revenir à Hiroshima pour tenter de démêler les fils de leur passé. Femmes en miroir se construit d’abord sur une double filiation trouble. Tout d’abord, des liens familiaux incertains entre Aï, Natsuki et Masuko, sur lesquels viennent se greffer des éléments purement fantastiques comme le miroir brisé ou les semblants de mémoire de l’amnésique. « Qui suis-je ? », se demande Natsuki, question fondamentale qui relie tous les protagonistes de ce mystérieux film. A travers la mémoire collective de son pays, Kiju Yoshida s’interroge sur la capacité des individus à surmonter un passé aussi douloureux dont les plaies ne se sont pas correctement cicatrisées. Dans ces conditions, le retour sur Hiroshima devient le difficile mais inévitable point de passage pour ces personnages en quête d’identité. Evènement tragique sur lequel se fonde le Japon de l’après guerre, la Bombe est perçue ici comme la Mère de toutes les douleurs, la source du malaise existentiel dont souffre ces femmes, un mal être qui semble voué à se transmettre de générations en générations. Pour suggérer cette seconde filiation, Kiju Yoshida entraîne le spectateur à la frontière du fantastique grâce à une mise en scène à la fois calme et nerveuse, jouant à merveilles avec des jeux de lumières originaux et les aléas d’une bande sonore élégiaque. La lumière joue un rôle déterminant dans Femmes en miroir. A cause du souvenir de la Bombe et des irradiations, il faut s’en protéger (la scène d’ouverture ) et apprendre à la contempler. Inscrit en négatif, c’est aussi le jeu d’ombres chinoises par lequel, un mari irradié pouvait deviner la silhouette de sa femme et de sa fille. De l’ombre à la lumière, le film décrit donc une tentative de guérison à travers le souvenir et l’acceptation d’un passé douloureux. Comme l’annonce Natsuki à la fin du film, « je sais maintenant qui je suis. » J.H.D.
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