chroniques cinéma
Visions croisées : Ken Park - Elephant de Larry Clark, Edward Lachman et Gus Van Sant |
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Malaise dans la civilisation occidentale A quelques semaines d'intervalles, Ken Park et Elephant ont occupé le devant de la scène cinématographique française. Certes les raisons sont différentes (un film-scandale censuré dans de nombreux pays d'un côté, une palme d'or à Cannes salué pour sa liberté de ton de l'autre côté), mais l'anecdote est trop significative pour pouvoir être écartée d'un revers de la main : la manière dont la jeunesse perçoit et retranscrit les évolutions de la société est plus que jamais au centre de toutes les attentions parentales, sociétales, commerciales, gouvernementales et donc cinématographiques. Elephant et Ken Park donnent deux regards différents et pourtant pas si éloignés sur cette jeunesse. Sur la forme, les deux films sont des oeuvres brutes, tournées a minima mais dans les deux cas mis en scène d'une manière extrêmement talentueuse. Larry Clark, de par son passé de photographe (Tusla), possède un sens stupéfiant de l'image, chaque plan composant un véritable tableau hantant pendant longtemps l'esprit du spectateur. Ce talent, Clark s'en sert pour filmer les corps dans leur nudité et dans leur réalité, loin des traditionnels artifices hollywoodiens. Poursuivant cette logique, Clark montre tout aux spectateurs, sans pudeur ni perversité : un des acteurs qui se masturbe, le père d'un autre qui urine après une soirée arrosée, l'étalage des corps après l'amour, etc. Regarder Ken Park revient à participer à une expérience cinématographique peu ordinaire, pénétrer une intimité d'ordinaire absente du cinéma comme si Clark s'était contenter de poser sa caméra et de filmer la réalité dans sa banalité quotidienne. Gus van Sant de son côté, ex-enfant prodigue du cinéma américain (Drugstore cow-boy, My own private Idaho), livre un film complètement différent, dont le souci premier est purement poétique, comme si la beauté des images d'Elephant se suffisait à elle-même. La lumière du film donne une impression éthérée, diffuse, comme si les personnages étaient des fantômes. Cette impression contraste avec les décors qui eux ancrent le film dans la réalité. Gus van Sant renforce le sentiment d'inexorabilité des évènements chez des personnages en sursis. Sur le fond, les deux films se caractérisent tous les deux par un refus juger cette jeunesse américaine, chaque spectateur étant libre de se forger lui-même son opinion sur le spectacle auquel il est convié. Cette impression est particulièrement forte dans le film de Gus van Sant où la multiplication des points de vue entraîne une multiplication des jugements que le spectateur peut porter sur les personnages présentés. In fine la jeunesse décrite apparaît le plus souvent déboussolée, plus adulte que les adultes eux-mêmes mais en même temps complètement hors de toutes contingences matérielles. Mais alors que le film de van Sant est une œuvre envoûtante et entêtante (la répétition des séquences accentuant probablement cette sensation) et d'une grande sensibilité, Ken Park n'est porteur d'aucun projet, d'aucun sens, et se contente d'aligner des scènes sans réel intérêt scénaristique. Pour cette raison, Ken Park ne parvient jamais à égaler un film comme Bully (le film précédent de Larry Clark) qui, en se cristallisant autour du meurtre d'un garçon par ses amis, permettait de délivrer une description des plus captivantes sur les comportements des personnages principaux, ladite description encourageant les spectateurs à approfondir leur réflexion au-delà de l'objet même du film. Elephant/Ken Park, deux regards différents sur une jeunesse confrontée à la violence, mais alors que van Sant livre une œuvre particulièrement réussie à tous niveaux, Larry Clark réalise un film qui ne séduira que les amateurs de recherches visuelles effleurant sans jamais la toucher cette jeunesse objet de toutes les convoitises. Ken Park 2 étoiles Elephant 4 étoiles G.P.L.
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