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La Blessure de Nicolas Klotz
Avec : Noëlla Mossaba, Adama Doumbia, Matty Djambo

Le Chant des exilés

Le téléphone sonne. Blandine vient d’arriver en France. Son mari Papi se dirige vers Roissy où son avion vient d’atterrir mais sur place aucune trace de la jeune femme. La police de l’air et des frontières refuse de lui fournir la moindre information, l’avion serait retardé. En coulisse se joue une tout autre partition, celle des reconduites à la frontière. Blandine n’a pas de papier en règle, elle doit être expulsée le plus vite possible, avant qu’un juge puisse examiner sa demande et lui octroyer un titre de séjour provisoire. En attendant, les policiers font bien leur travail. Les étrangers placés en rétention sont parqués dans de minuscules pièces sans fenêtres, subissent de multiples fouilles au corps dégradantes et sont conduits brutalement, parfois sous les coups et les injures racistes jusqu’à l’avion qui les ramène dans leur pays d’origine.

Durant son transfert sur le tarmac, Blandine est blessée à la jambe. Elle bénéficie ainsi d’un sursis salutaire au cours duquel, un fonctionnaire moins zélé que ses collègues la prend en charge et lui permet de quitter la zone de rétention. La jeune femme retrouve ainsi Papi et un autre film autrement plus difficile à mettre en image commence. Nicolas Klotz suit ses deux héros jusqu’à leur abri de fortune, un squat où se côtoient des étrangers de tout nationalité. C’est aussi le théâtre où chacun, à l’instar du guitariste arabe – la plus belle scène du film – peut épancher sa douleur en de longs récits de fuites, de persécutions, d’exils difficiles dans un pays, la France qui perd petit à petit son statut de terre d’accueil. Blandine reste meurtrie par l’expérience qu’elle a vécue. Si sa blessure à la jambe cicatrise, elle en garde des séquelles psychologiques. A la peur des assassins du pays d’origine, s’ajoute celle des uniformes de police.

Nicolas Klotz déploie ainsi son film sur près de trois heures dans un espace improbable, à mi chemin entre fiction et documentaire, au plus près des blessures de tous ces personnages exilés qui viennent enrichir l’histoire de Blandine et Papi. Le cinéaste délaisse progressivement le champ de la politique pour nous immerger parmi ces exclus. Il dépasse le simple constat des violences policières pour nous faire éprouver leurs doutes et leur souffrance morale. Ces hommes perdent ainsi doublement leur identité mais en perdant leurs origines dans la douleur de l’exil, ils cessent d’être pour nous des étrangers.
J.H.D. 

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