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Star wars : épisode III - La Revanche des Sith de Georges Lucas
Avec : Hayden Christensen, Ewan McGregor, Natalie Portman, Samuel L. Jackson, Ian McDiarmid

L’emprise du souvenir

Suite à une tentative de kidnapping des Séparatistes sur sa personne brillamment déjouée par les chevaliers Jedi Obi-Wan Kenobi et Anakin Skywalker, Palpatine, le chancelier suprême de la République Intergalactique, demande des pouvoirs exceptionnels. Le conseil des Jedi redoute que les dernières bribes de démocratie soient étouffées. Le climat de méfiance atteint son paroxysme quand Palpatine impose Anakin au conseil malgré le veto général…

Tout le monde connaît la suite : la République laisse place à l’Empire, la quasi intégralité des Jedi est exterminée et Anakin devient le méchant asthmatique le plus mémorable de ces trente dernières années : Darth Vader. Normal, il s’agit du chaînon manquant de la saga Star Wars, celle-là même ayant changé pour longtemps la face du cinéma américain et inventé le terme blockbuster. La première trilogie était un savant mariage du meilleur de l’âge d’or avec ses hommages appuyés au western, au serial S.F. d’avant-guerre et à la comédie américaine mélangés au côté martial du film de sabre japonais (Kurosawa notamment avec La Forteresse cachée et Le Château de l’araignée) alors que cette seconde trilogie, entamée en 1999, lorgnait plus vers l’épopée épique, le péplum et le théâtre antique.

Et force est de constater que la confrontation du souvenir et du présent ne tournait pas franchement à l’avantage de ces deux derniers épisodes. Le récit au point mort, la mollesse de la réalisation et l’inutilité évidente de certains personnages (Jar Jar Binks pour ne pas le nommer) faisaient de La menace fantôme un catalogue de jouets définitivement oubliable. L’Attaque des clones souffrait d’une direction d’acteur en roue libre aggravée par le tournage quasi intégral sur fond bleu où l’on sentait George Lucas plus préoccupé par le rendu de ses effets spéciaux que par la justesse de ses comédiens. Le film retrouvait quand même un peu de souffle et quelques mystères de la précédente trilogie commençaient à se démêler malgré un sentiment général de remplissage pour retarder l’inéluctable.

George Lucas ne peut plus reculer et cette obligation d’en finir avec l’œuvre de sa vie s’avère libératrice parce qu’il a retrouvé une notion perdue dans les deux épisodes précédents : le mouvement. Le spectaculaire dans La revanche des Sith est porté par une réalisation à la fois dynamique, nerveuse et surtout génératrice de tension, capable de se hisser au niveau du Retour du Jedi… en témoigne le sauvetage d’ouverture musclé et sidérant : il donne le la en fusionnant l’héritage du passé et l’influence nouvelle –et enfin assumée !- de l’esthétique du jeu vidéo. Cette urgence bénéficie à la progression du récit et à la transformation tant attendue d’Anakin en Darth Vader. Sur cet aspect, La revanche des Sith affiche plus clairement que n’importe quel autre épisode ses références à la fois religieuses et historiques, lui permettant de prendre des accents shakespeariens salvateurs. Ainsi le va et vient entre les Jedi, aristocrates utilisant la force à bon escient, et leur double négatif, le Sith Palpatine/ Darth Sidious, pour obtenir la mainmise sur la puissance d’Anakin, devient réellement réjouissant. George Lucas s’autorise même une réflexion sur la soif de pouvoir et sa capacité de destruction tombant à point nommé. Mieux, certains passages, certaines répliques comme Padmé et son “Voici comment meurt la démocratie, sous les applaudissements !” ou Anakin, devenu âme damnée de l’empereur, lançant à Obi-Wan, son ancien mentor un simili “Celui qui n’est pas avec moi est contre moi !” produisent une curieuse caisse de résonance avec les agissements récents de la politique extérieure américaine. Juste retour des choses pour un cinéaste souvent accusé d’avoir enseveli la dimension contestataire du cinéma américain à la fin des années 1970 !

Malheureusement le film n’est pas exempt de défauts en particulier sur l’épaisseur des personnages et les dialogues. Si Lucas exploite plutôt bien le côté victime d’Anakin, il a, de nouveau, oublié que l’identification est indispensable pour que l’on tremble devant les tourments de son héros. Conséquemment, l’erreur de L'Attaque des clones est reproduite. Hayden Christensen incarne un Anakin Skywalker désespérément fade, ses scènes avec Natalie Portman sont d’un ennui profond. Mais la palme du ridicule revient sans conteste à Ian McDiarmid qui passe, en quelques secondes, du politicien fourbe et calculateur au despote outrancier livré avec sa panoplie de rires gras et d’œillades vicelardes. Leur texte ne les aide pas, preuve manifeste que Lucas est un des pires dialoguistes qui soit (le comble : “Tu es si belle !”, “C’est parce que je suis amoureuse !”, “Non, C’est parce que moi, je t’aime !” Véridique !). Plombé par ces deux revers majeurs, La revanche des Sith ne peut pas rivaliser avec la première trilogie où Lawrence Kasdan et surtout Leigh Brackett (dialoguiste mythique de Rio Bravo et du Grand sommeil) fournissaient des perles de second degré à Harrison Ford et Carrie Fisher. Ce sérieux à tout prix dénote le changement d’attitude de Lucas sur sa propre création ; et la primauté du caractère pompeux sur la distanciation et l’ironie reste le principal échec de cette nouvelle trilogie.

Et pourtant…Malgré ces carences manifestes, on se retrouve gagné par la mélancolie et l’émotion du drame en train de se jouer dans la dernière partie du film où la trahison balaye une amitié entre deux Jedi sur fond de cataclysme volcanique –belle prestation d’Ewan McGregor-, où, in fine, Lucas bâtit studieusement les derniers ponts avec Un nouvel espoir. C’est bel et bien le paradoxe de La revanche des Sith : susciter l’adhésion en réactivant les précieux souvenirs d’une histoire postérieure, d’une mythologie cinématographique profondément ancrée depuis vingt-huit ans dans la culture occidentale. Le film ne peut réellement fonctionner que si les épisodes à suivre ont été vus et il y a fort à parier que le profane trouvera le spectacle convenu mais l’aficionado ne boudera pas son plaisir à l’écoute du souffle rauque ayant hanté sa jeunesse car il sait que c’est la dernière fois que la Force sera avec lui dans la salle de cinéma… A chacun de continuer cette époque sur sa platine DVD.

P.S. Cela va sans dire que L’Empire contre-attaque reste le meilleur de la saga !
J.F. 

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