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Madagascar de Eric Darnell et Tom McGrath
Avec : les voix de Ben Stiller, Chris Rock, David Schwimmer, Jada Pinkett Smith

D’une jungle à l’autre

N’ayant connu que la captivité, quatre animaux coulent des jours heureux au zoo de Central Park, New York. Parmi eux, Alex, un lion hyperactif et véritable star de la ménagerie, Melman, une girafe “survertébrée” et hypochondriaque, et Gloria, charmante hippopotame aussi fraternelle que pragmatique, se satisfont pleinement de leur quotidien fait d’adulation du public et de dorlotement du personnel du zoo. Mais quand Marty, zèbre gouailleur et meilleur ami du félidé, prend conscience que la moitié de sa vie est derrière lui, il décide de suivre des pingouins zinzins dans leur quête de Connecticut (comme un certain léopard nommé Bébé dans une comédie culte de Howard Hawks). Il va entraîner sans le savoir ses amis à poils dans une série de catastrophes qui les conduira sur les rivages de Madagascar, aux portes de la vie sauvage.

Madagascar est le troisième film d’animation 3D estampillé PDI (Dreamworks) à sortir en un peu plus d’un an. Le prolixe studio continue à se démarquer de Pixar, dont il est le principal concurrent, en appliquant du second degré à haute dose, quand il ne jongle pas avec un nombre ahurissant de références cinématographiques et musicales très (trop ?) contemporaines. Cette formule a été initiée par Jeffrey Katzenberg, alors fraîchement limogé de Disney, pour concurrencer Pixar, intouchable sur la technologie et la narration, et viser ainsi un public plus adulte. Elle est porteuse d’une réussite indéniable (Shrek) mais donne généralement l’impression de ramasser les miettes de son génial rival en resservant ses clones bancals (Foumiz), voire horriblement creux et hideux (Gang de requins).

Madagascar ne gomme pas complètement ces défauts, mais il a au moins le mérite de les atténuer quand il met en avant ses stars vocales tout en abandonnant la laideur anthropomorphique en vigueur depuis les débuts afin de laisser jaillir les couleurs chatoyantes et un graphisme plus naïf. Bien sûr, PDI génère des humains de synthèses toujours aussi affreux ; certes, la facilité n’est pas évitée lorsqu’un zèbre se déplace sur le macadam de Manhattan à la même cadence que les beats de Staying Alive, mais on est quand même loin de l’ensemble criard et de la gastro musicale d’un certain film de squales. La modestie et l’innocence affichée sont ce qui fait le charme de Madagascar. Cela devient à la fois son libérateur et sa limite.

La première partie est, de ce fait, exemplaire avec son cadre new-yorkais aussi majestueux que subtil dans son élaboration, laissant apparaître une représentation assez romantique de Manhattan. Le regard que nos quadrupèdes égarés portent sur lui est un mélange de tendresse, de féerie même lorsqu’ils chantent l’ode de Liza Minnelli, et de frayeur. Menée tambour battant, cette exposition constitue un des meilleurs moments du film avec les savoureux “phénomènes” que sont les pingouins au parlé mafieux, et les singes “so british so crado“, volant fréquemment la vedette au quatuor de tête, à condition d’être sensible aux gags un brin scato comme Melman confondant un désodorisant d’urinoir avec une pastille Vichy ou les desseins de lancer de caca des quadrumanes sur un intellectuel local. D’ailleurs, ce premier segment est un vrai régal pour les anglophiles chevronnés cherchant à élargir leur vocabulaire en “New Yorkisme” ; segment qui, on peut le craindre, survivra mal à l’épreuve du doublage.

Malheureusement, nos mammifères sont capturés et expédiés en mer trop vite. Cet épisode marque le début d’une seconde partie un peu faiblarde pour finalement faire du surplace dans la troisième dès lors que nos héros s’enfoncent dans le jungle malgache et se frottent à Julien, le roi des lémuriens, rapidement pénible quand il ravive le souvenir douloureux de la dance music. Quelques bonnes interventions des pingouins et un clin d’œil tordant à Seul au monde évitent de tomber dans l’ennui profond même quand Darnell et McGrath se prennent les pieds dans le tapis en soutenant la fraternité multiculturelle par le biais d’une métaphore sur l’harmonie inter-espèce : intention louable, toutefois inadaptée quand la chaîne alimentaire est nécessaire pour la survie d’un carnivore comme Alex. Sa régression bestiale est le seul embryon de ressort dramatique et dire que sa résolution est expédiée relève de l’euphémisme.

Néanmoins, Madagascar est un bon divertissement pour célébrer les grandes vacances dans la bonne humeur. Les enfants y trouveront certainement leur compte et les parents devraient suffisamment apprécier l’humour référentiel pour ne pas se sentir parqués pendant une heure et demie.
J.F. 

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