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The World de Jia Zhang Ke
Avec : Zhao Tao, Chen Taisheng, Jing Jue, Jiang Zhongwei



Parc d’attractions moderne situé en banlieue de Pekin, « The World » propose à ses visiteurs de découvrir les répliques à l’échelle 1/3 des plus célèbres monuments de la planète. Entre la tour Eiffel et la tour de Pise, ou au milieu des Pyramides, le parc offre aux touristes un dépaysement total à moindre coût.

Ceux ne sont toutefois pas les visiteurs qui intéressent Jia Zhang Ke mais les employés qui font vivre le parc, comédiens, danseurs ou vigiles, une bande de « flottants », ces jeunes gens qui ont quitté leur province natale pour tenter leur chance à Pékin, attirés par la promesse d’un avenir radieux. Tao gagne ainsi sa vie en participant aux spectacles qui rythment quotidiennement la vie du parc. Elle s’interroge sur sa relation avec Taisheng, un des gardiens, au moment ou celui-ci se laisse séduire par une styliste de mode en partance pour la France…

Jia Zhang Ke abandonne sa camera numérique et sa grande liberté pour un système haute définition plus contraignant. De même, il a confié la bande son à Lim Giong, figure majeure de la musique électronique taiwanaise, déjà compositeur de la bande originale du Millenium Mambo de Hou Hsio Hsen. Ces artifices tranchent avec les précédents films où le cinéaste s’employait à capter le réel et le quotidien d’une Chine en évolution perpétuelle, à partir desquels, une fiction pouvait s’organiser. C’est que Jia Zhang Ke a une nouvelle fois su saisir l’air du temps. Depuis Platform, la société chinoise a évolué : les choix artistiques du cinéaste collent parfaitement à ce début de 21ème siècle high-tech et mondialisé.

Jia Zhang Ke reste néanmoins fidèle à son sujet de prédilection le portrait d’une jeunesse chinoise privée de repères malgré les perspectives offertes par une mondialisation de plus en plus présente. Le parc d’attraction évidemment reflète ce paradoxe. Il permet à ses jeunes gens d’appréhender la richesse du monde alors qu’il leur est toujours impossible de voyager librement, à l’image de la maîtresse de Taisheng qui doit attendre que les autorités lui délivrent un passeport.

Seule l’amour semble encore en mesure d’offrir un espace de liberté à ses jeunes gens mais peut il encore exister au sein d’une société aussi désincarnée ? Tao hésite à s’engager avec Taisheng, déçue par une précédente relation. Malgré l’avènement des nouvelles technologies, mobiles et autres SMS, les personnages éprouvent les pires difficultés à communiquer et à exprimer leurs sentiments. En ce sens, rien n’a réellement changé depuis l’époque de Xiao Wu et de cette séquence magnifique où le pickpocket solitaire, incapable d’entonner la moindre chanson, préférait laisser entendre à son amie, la mélodie de son briquet.

La fin du communisme marque finalement l’éclatement du collectif au profit des individualités dans une Chine désormais rompue à l’économie de marché. Tao retrouvera ainsi une amie russe devenue prostituée dans un karaoké. Ailleurs, un jeune homme apprend la mort accidentelle sur un chantier d’un de ses amis issu d’une famille pauvre du nord et sur lequel il devait veiller.

Ce monde n’offre en définitive que des perspectives trompeuses, celles des monuments reconstitués, d’un amour impossible et d’un travail aliénant. Mais Jia Zhang Ke ne se limite plus à l’observation de la Chine. C’est la beauté de ce film magnifique jusque dans son final tragique: chaque plan de The World exprime une idée du monde dans laquelle chacun peut malheureusement se refléter.
J.H.D. 

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