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Peindre ou faire l'amour de Arnaud et Jean-Marie Larrieu
Avec : Sabine Azéma, Daniel Auteuil, Sergi Lopez, Amira Casar, Philippe Katerine

Les frères Larrieu filment des paysages montagnards sensuels comme jamais. Maigre consolation pour un film qui inciterait plutôt à la débandade.

Une maison perdue dans les hauteurs du Vercors sert de point de départ. Madeleine, une grenobloise, est en train de la peindre quand Adam, un autochtone épicurien et aveugle attiré par l’odeur de peinture lui propose de visiter ce bien immobilier à vendre. Madeleine tombe sous le charme, bientôt rejointe par son William de mari. Tous deux se dirigent vers la soixantaine, gagnent bien leur vie, une vie très bien rangée. Ils n’ont plus leur fille à charge et n’ont que du temps à perdre. Alors ils achètent cette bâtisse et se lient rapidement d’amitié avec leurs nouveaux voisins, Adam et sa compagne Eva (sans blague !) Mais le jour où la maison de leurs amis brûle, William et Madeleine se font une joie de les héberger…

…Et l’allégresse de la promiscuité à quatre de basculer vers la tentation échangiste. Comme chantait le regretté Marvin “Sexual Healing” et le tour est joué ! Oh yeah ! Le mouton noir de la sélection cannoise de 2005 semblerait bien être cet insignifiant dilemme: peindre ou faire l’amour. Sous influence Renoirienne, les frères Larrieu filment magnifiquement ces merveilleux panoramas des Alpes grâce à un sens du cadrage somme toute très pictural et les conjuguent avec un traitement sonore intelligent pour en faire un personnage à part entière, vivant et d’une exquise sensualité.

Hélas, la comparaison avec le génial cinéaste s’arrête là. L’énergie des comédies Renoiriennes partait d’un élan joyeux, légèrement anar et finalement assez sain tant l’élégiaque nature dépeinte dans Boudu sauvé des eaux et Une partie de campagne était en harmonie avec les êtres humains (atténuée occasionnellement par la douce ironie que Renoir éprouvait pour les bourgeois). Les frères Larrieu essayent de prendre exemple sur ce modèle mais au lieu de tracer de subtiles esquisses, ils brossent de ridicules caricatures à commencer par Daniel Auteuil en pré retraité gagné par un sentiment d’inutilité auquel personne ne croit, pas même lui. L’habituellement lumineuse Sabine Azéma n’y échappe pas non plus dans ce rôle de petite frustrée qui hurle et gagne sa chambre comme une adolescente capricieuse à la moindre contrariété. C’est malheureux à dire mais la sensualité selon les Larrieu s’apparente, au mieux, à de la subversion pour “bobos” en manque de sensations fortes, au pire, à de la sèche frustration chez un couple qui s’emmerde.

Mais ce qui agace le plus dans cet objet assez prétentieux est cette fausse naïveté cachée derrière une intégration de métaphores dans un récit similaire à un colmatage de maçon du dimanche. Comme ce clin d’œil ô combien risible à Théorème où le Terence Stamp serait cet Adam dont la cécité sert à illustrer l’invisible. Peindre ou faire l’amour est ainsi un vivier à symbolique de supermarché où il est quasi impossible de retenir un ricanement devant ces dialogues trop littéraires, cette évocation de “bobos” qui s’amusent à se mélanger pour que la fête soit plus folle (ou moins rasoir, c’est selon). Quand le chef d’œuvre de Pasolini était traversé par la grâce et le sacré, le film des frères Larrieu n’est qu’un défilement de séquences hautement prévisibles et d’une hallucinante vacuité, digne d'un film érotico-bourgeois comme Emmanuelle. La comparaison fait mal mais elle est plausible devant cette séquence douteuse où Sabine Azéma et Amira Casar préparent tendrement le lit “communautaire” au son des Marquises de Brel ; ou, pire encore, quand on pense au couple formé par Philippe Katerine et Hélène de Saint-Père dont la visite immobilière n’est qu’un prétexte à un interminable marivaudage “glauquissime”. Tout se termine évidemment en galipettes à plusieurs avec le feu de cheminée et le tapis en peau de bête de rigueur.

Peindre ou faire l’amour est donc le parangon du film surestimé, une authentique masturbation cérébrale ne débouchant que sur un concentré de mauvais goût snob (on pourrait presque parler “d’académisme auteurisant”), dont le sujet très mode explique sans doute l’engouement cannois. Les frères Larrieu montrent clairement leurs limites après la sympathique comédie Un homme, un vrai. On est en droit de leur proposer à notre tour un nouveau dilemme : continuer à peindre des croûtes de cet acabit ou faire enfin du cinéma.
J.F. 

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