chroniques cinéma
Red eye de Wes Craven |
Avec : Rachel McAdams, Cillian Murphy, Brian Cox, Jayma Mays, Jack Scalia |
Lisa Reisert s’apprête à rentrer à Miami en vol de nuit. Avant d’embarquer, elle sympathise avec un passager qu’elle a le plaisir de retrouver à ses côtés dans l’avion. Mais quelques instants après le décollage, son séduisant voisin lui révèle qu’il organise l’assassinat du Directeur Adjoint à la Sécurité du Territoire et qu’elle est appelée à jouer un rôle clé dans cet attentat. En cas de refus, son père sera abattu par un tueur embusqué… Après la grosse gamelle de Cursed, Wes Craven a claqué la porte de Dimension Films pour tenter de se refaire une santé chez Dreamworks Pictures. Il réalise pour le studio au pêcheur de lune ce petit thriller, sorte de variation du pourtant pas terrible Phone Game. Dans le film de Joel Schumacher, un homme était isolé dans une cabine téléphonique en plein Manhattan sous la menace permanente d’un tireur embusqué. Il s’agit désormais de conserver cette unité de temps et de lieu mais faire en sorte que l’héroïne et le tueur soient cette fois-ci voisins et que les deux mètres carrés représentés par leurs sièges deviennent l’espace de leur rapport de force. Un concept assez intéressant et porté surtout par un réalisateur autrement plus doué que Schumacher dans l’art de l’effroi (et l’art tout court)… Ce concept n’est pas non plus sans rappeler Collatéral de Michael Mann et là, malheureusement, la comparaison fait nettement plus mal. Car Wes Craven a beau avoir été un petit maître du cinéma d’épouvante au cours de ces trente-cinq dernières années (La Dernière maison sur la gauche, La Colline a des yeux, Les Griffes de la nuit), il faut bien admettre qu’il a perdu de sa superbe. Quand Michael Mann, dans Collatéral, crée une tension dans la première demi-heure pour ne plus la lâcher jusqu’à la toute fin, Red Eye donne l’impression d’un film réalisé par un type qui tourne autour du pot sans jamais parvenir à entrer dans le vif du sujet. Il est effleuré pendant quelques minutes où les étapes domination, résistance, soumission passent essentiellement dans le regard et la voix des deux comédiens mais Wes Craven sous-exploite complètement les possibilités offertes par l’avion et s’enfonce dans des rebondissements grossiers (entre les menaces lancées à voix haute par Jackson l’agresseur et le coup porté à sa victime dans la classe économique d’un avion rempli de passagers, on en rirait presque !), voire carrément invraisemblables (Jackson et Lisa, enfermés plus tard dans les toilettes sans que personne ne proteste, pas même les hôtesses !) Pourtant le morceau en altitude, bien qu’encombré par ces défauts peu discrets, demeure relativement efficace, non pas à cause de la mise en scène de Wes Craven, endormi sur sa caméra, mais bien grâce à Rachel McAdams et surtout Cillian Murphy qui confirme après Batman Begins que les pires salauds ont souvent des gueules d’anges. A eux deux, ils assurent le spectacle…tant qu’ils sont dans l’avion. «Gare à l’atterrissage !» conviendrait tout à fait à Red Eye dans la mesure où Wes Craven veut jouer au plus malin dans le derniers tiers du film en décidant tout simplement d’abandonner l’idée de la méchanceté froide et calculatrice pour expédier la fin sur le mode slasher. Dans ce final ridicule sont ressassés jusqu’à plus soif les ingrédients de Scream. Face à ce résultat atrocement bâclé, on serait presque gêné de voir Wes Craven reprendre les vieilles recettes de son plus gros succès commercial tant il semble dorénavant incapable de se renouveler : même héroïne cravenienne faite d’abnégation et de doutes, même illustration de sa rébellion lorsqu’elle chasse les emmerdeurs du début, même réplique finale fleurant le poncif… Cette panne d’inspiration révèle le besoin urgent de renouveau de Craven quant au fond, même si la forme laisse apparaître qu’il ne sera jamais rien d’autre qu’un habile faiseur. J.F.
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