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Les Noces funèbres de Mike Johnson et Tim Burton
Avec : avec les voix de Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Emily Watson, Tracey Ullman, Paul Whitehouse

Dans une sinistre bourgade victorienne, un mariage d’argent unissant Victor van Dort à Victoria Everglot est sur le point d’être prononcé. Mais l’espoir existe car l’attirance mutuelle des futurs mariés semble sincère. Après s’être réfugié dans la forêt pour répéter ses voeux, Victor se retrouve malgré lui marié à Emily, la Défunte Mariée, et, de ce fait, est emmené au Royaume des Morts…

Depuis quelque temps, Tim Burton décevait régulièrement ses fans de la première heure, ceux qui étaient émerveillés par la beauté des marginaux face à la laideur de notre société conformiste ; ceux qui rêvaient devant l’expressionnisme de ses Batman, authentiques contes modernes dissimulés derrière des films de superhéros. De l’impersonnelle Planète des singes au mollasson Charlie et la chocolaterie en passant par le sirupeux Big Fish, Burton donnait l’impression de renoncer à sa différence, comme s’il murmurait aux hypocrites banlieusards d’Edward aux mains d’argent qu’il ne valait pas mieux qu’eux.

Ces Noces funèbres se devaient d’être pour Burton le véhicule de reconquête des déçus en revenant à l’animation en volume, douze ans après L’Etrange Noël de Mr Jack… Mais sortir une semaine après l’enchanteur Wallace & Gromit, ça ne facilite pas les choses ! Et pourtant, en se frottant à ce conte emprunté au folklore russe, Tim Burton revient à ce qu’il fait de mieux, l’inversion analogue des valeurs morales : le monde des vivants monochrome et pesant face à la joyeuseté et les couleurs chatoyantes du monde des morts, thématique déjà présente dans Beetlejuice.

Les Noces funèbres peut donc se voir comme un best of de la recherche graphique du réalisateur quand on se penche sur la dégaine de Finis Everglot, le père de la mariée, sosie du Pingouin dans Batman, le défi. Mais Burton évite soigneusement le piège de l’autocitation satisfaite en construisant pour le Royaume des Morts des structures que l’on croirait sorties de l’esprit de Gaudi. L’influence hispanisante ne s’arrête d’ailleurs pas là : l’héritage de José Guadalupe Posada est indéniable quant aux squelettes bienheureux et la profusion de couleurs chaudes dignes du traditionnel jour des morts célébré au Mexique.

Ça n’a l’air de rien sur le papier mais le résultat sur l’écran est impressionnant. Car Tim Burton, aidé de Mike Johnson co-réalisateur du projet, a voulu repousser les limites de l’animation en volume en dotant ses marionnettes d’une ingénierie complexe pour les expressions faciales tout en ayant parfois recours au numérique. L’effet de surprise suscité par L’Etrange Noël... n’est plus là mais on reste quand même bluffés devant une fluidité et une grâce qui n’ont rien à envier de l’animation 3D.

Sur le fond, Tim Burton critique l’aseptisation d’une société imperméable aux sentiments et à la différence pour mieux célébrer ensuite la vie à travers la mort. Et avec humour surtout. Ce serait une erreur de ne pas parler de l’humour fantastico-morbide où l’on assiste à une relecture endiablée de la mythique Danse macabre… Quand les trouvailles visuelles ne cachent pas des clins d’œil aux classiques de la Hammer comme ce ver, lointain cousin de Peter Lorre domicilié dans la boîte crânienne d’Emily, lui disant que «Si je n’étais pas présentement dedans, je jurerais que tu as perdu la tête ! » Burton ne fait pas l’erreur de ses précédents films en s’embourbant dans une morale infantilisante grâce à une variation du rire et de l’émotion.

Pourtant le film n’évite pas toujours les longueurs, notamment sur la chanson « romantique » d’un Danny Elfman peu inspiré. Est également à déplorer le manque général d’épaisseur des personnages, à l’exception notable d’Emily, portée admirablement par Helena Bonham Carter. Grâce à elle, il est possible de voir en filigrane l’obsession érotique de Victor / Burton, allant de Edgar Allan Poe à Vertigo de Hitchcock, pour une femme fatale mais morte. Emily ressemble certes à sa voix mais l’ombre de Lisa Marie, la précédente femme de Burton, plane encore plus au dessus de sa tête. En ressuscitant le fantôme de la muse qui lui a apporté ses plus grands films, Tim Burton lui offre un enterrement de première classe et signe enfin le film de la réconciliation !
J.F. 

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