chroniques cinéma
Darshan de Jan Kounen |
Avec : Sri Mata "Amma" Amritanandamayi Devi |
Jan Kounen suit l’une des « grandes âmes » de la tradition Hindoue, Amritanandamayi Devi dite Amma (Mère) dont l’inconditionnelle capacité d’écoute et de dévouement lui confère le statut de Sainte. Amma est aussi reconnue comme Mahatma, un maître spirituel ayant restauré l’un des rites les plus anciens de l’héritage spirituel hindoue, le darshan, l’étreinte. Novembre est le mois des psychotropes semble-t-il : après le chic et toc Domino et sa nécessaire absorption de speed, voici Darshan, deuxième documentaire de Jan Kounen qui mériterait que l’on fume un pétard hautement chargé en T.H.C. pour supporter sa vitesse de gastéropode ébouillanté. Jan Kounen a trouvé la lumière depuis le naufrage Blueberry où le chamanisme fut pour lui une révélation. Fini donc le cinéma de petit poseur arrogant, adieu pseudo virtuosité de clippeur vite obsolète avec son lot de mouvements d’appareil bruités et surtout exit bêtise crasseuse aperçue dans Doberman notamment où le summum de l’irrévérence était de se torcher avec Les Cahiers de Cinéma. Le cinéaste recherche l’apaisement et entend partager avec Darshan « d’autres manières de voir le monde » (sic). Peut-on y voir une amélioration ? Même pas ! Que ce soit avec Le Dernier Chaperon rouge, Doberman, Blueberry et maintenant Darshan, le problème demeure le même : celui de n’avoir aucun point de vue, de n’avoir strictement rien à raconter. Jan Kounen se contente de filmer, sans génie ni recul, Amma qui étreint ses fidèles à la chaîne dans son ashram. Amma nous est décrit comme une Sainte, seulement il ne juge pas nécessaire de nous faire un historique (hormis lécher les plaies des lépreux quand elle était une enfant, on n’en saura pas plus). Bien sûr la bienveillance de Amma n’a pas à être mise en doute et la lecture de sa biographie fournie dans le dossier de presse laisse apparaître une bonté infinie ainsi que son rôle social majeur dans la communauté. Dans cette lecture uniquement et c’est bien regrettable ! Sur les seules images de Kounen, on est nettement plus circonspect quant à la vertu purificatrice et l’apaisement procurés par son darshan. En l’état, cette soi-disant renaissance spirituelle ne semble pas aller au delà du « Et si tout le monde voulait bien se donner le main » Cela explique en partie l’incompréhension devant les images d’archives où Amma reçoit le prix Gandhi King alors qu’on ne l’a vue qu’étreindre et prier pour la paix. D’où également un sentiment de gêne quand une fidèle pleure irrépressiblement de joie aux pieds de sa Guide tant un tel comportement ne serait pas si différent de la part d’un fan face à son idole. Ainsi Darshan perd sur ses deux tableaux essentiels : le caractère informatif et la retranscription sur pellicule du sacré. La faute en incombe à Jan Kounen qui se révèle être aussi incompétent dans la fiction que dans le documentaire car sa volonté de montrer le monde autrement se transforme en une véritable exploration des frontières de l’ennui, à vous faire regretter Connaissances du monde. Pas aidé par Amma, nettement moins généreuse dès qu’il s’agit d’expliquer sa démarche, Kounen ne parvient pas à extraire de propos pertinents de la bouche de ses autres interviewés. Ces derniers expliquent sans sourciller les événements qui les ont poussés à rejoindre la communauté mais Kounen, déjà sous le charme, ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes (fuir le matérialisme de l’Occident) Alors le cinéaste filme le périple d’Amma du Rajahstan à Calcutta en n’ayant rien de mieux à faire que des travellings léchés au ralenti sur de la world music pendant quatre-vingt dix minutes… Tout ça pour arriver à un rassemblement géant dans un stade où pendant vingt heures de rang, Amma étreint plusieurs dizaines de milliers de fidèles (soit quelques secondes par personne) au point d’en noircir sa tunique. Moralité : si le darshan purifie l’âme, il ne peut pas lutter face au noir de cou. Ce qui est peu de choses en comparaison d’un film devant lequel on résiste difficilement à l’envie de quitter la salle. J.F.
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