Chroniques littéraires

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L'Ignorance de Milan Kundera, Gallimard

Le retour

L’Ignorance débute sur une note d’espoir. La chute du communisme annonce en effet une promesse de retour au pays pour les personnages du livre. Irina et Josef s’étaient furtivement aimés à la fin des années 60 juste avant l’écrasement du printemps de Prague. Séparés par l’histoire, ils se retrouvent par hasard dans un aéroport français. Pourront ils s’aimer de nouveau et se reconcilier avec une part d’eux même, tel est l’enjeu de ce très beau roman de l’exil.

Milan Kundera aura pu se contenter d’organiser un vague récit nostalgique autour du retour au pays, il n’en est rien. Cette question de la nostalgie est même rapidemment évacuée, après une intéressante étude etymologique. Le romancier y convoque une l’Odyssée d’Ulysse, l’ivresse du grand retour, une exaltation que ne connaîtront pas les protagonistes du livre. En effet, leur histoire ne reprend pas là où elle s ‘était arrêtée. L’exil fait d’eux de parfaits étrangers. Ils ne parviennent pas à surmonter les barrières psychologiques, ils ne participent plus à l’histoire du pays.

Kundera évite aussi les pièges du mélodrame facile pour livrer une subtile réflexion sur l’identité à travers l’histoire. Le livre d’une densité rare aborde une multitude de thèmes, l’exil, l’amour, la Tchécoslovaquie et l’Europe, notre rapport au monde et au temps. L’auteur y développe sa propre conception de l’histoire, comment le passé modifie durement le présent et rend le futur incertain. C’est l’ignorance du titre mais aussi l’ignorance liée à la perte de mémoire, la peur des hommes face à l’accélèration du temps dans laquelle chacun peut se reconnaître. Milan Kundera n’a pas rédigé un livre pour une personne (lui même) mais pour des centaines d’autres, et cela qui compte.

Editions Gallimard, 180 pages, 16.50 euros

J.H.D.

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