chroniques littéraires
Dans la Guerre de Alice Ferney, Actes Sud |
Nous étions des hommes On l’appelle la grande guerre, parfois la der des der, elle dura quatre ans et fut une boucherie d’une horreur absolue, une formidable machine à broyer les hommes et leurs idéaux. Bienvenue dans le dernier roman de Alice Ferney, une évocation sans concession de la première guerre mondiale vue ici de l’intérieur. Le roman commence le jour de la mobilisation. Jules quitte sa femme Félicité et son fils Antoine pour partir au front. Il découvre là-bas la violence des corps déchiquetés, les ordres contestables et bientôt l’horreur des tranchées. Pendant ce temps, Félicité donne naissance à une petite fille, attendant dans l’angoisse la fin du conflit et le retour de son mari. Alice Ferney ouvre d’emblée deux récits/fronts qu’elle mène en parallèle. A l’arrière, la confrontation entre Félicité et son impitoyable belle-mère donne lieu à une étude psychiologique implacable qui n’est pas s’en rappeler par sa force et sa finesse le talent de François Mauriac («la mère aimait la terre plus que la vie»). Loin des champs de batailles, le livre parvient à figurer l’indicible, l’horreur de ces enfants qui ne connaîtront jamais leur pères, les familles brisées, la peur de l’absence, les souvenirs des disparus qui s’estompent. S’il n’y avait que cela, Dans la Guerre serait déjà un très grand livre mais Alice Ferney rejoint aussi les premières lignes de combat pour une description saisissante et très réaliste du conflit. Attaques, contre-attaques, retraites, la romancière suit un petit groupe de soldats dans le froid, la faim et surtout les amitiés interrompues brutalement, les vies écrasées sous les pluies d'obus, les hommes réduits à de la chair à canon, bref l’anéantissement de l’humain. Alternant l’évocation d’un destin individuel avec la vie d’un groupe, elle suggère comme jamais le caractère collectif de cette épouvantable tragédie. Deux figures émergent cependant du champ de bataille. C’est tout d’abord celle du facétieux Brêle, déserteur chanceux et désabusé, condamné à mort mu par une incroyable pulsion de vie. C’est ensuite celle de Prince, le fidèle chien de Jules, parti retrouver son maître au cœur des tranchées. Revenu à la maison, le fidèle compagnon se laissera mourir de dépit, fatigué par toutes les horreurs dont il aura été le témoin. On ne se remet jamais d’une telle tragédie. Un pur chef d’œuvre. Editions Actes Sud, 482 pages, 22 euros J.H.D.
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