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Les Disparus de Daniel Menselsohn, Flammarion
 

6 parmi 6 millions

Rien ne subsiste aujourd’hui d’Auschwitz, si ce n’est que quelques ruines, vestiges d’un camp devenu avec le temps le symbole grossier de l’extermination des Juifs par les nazis pendant la seconde guerre mondiale. Nous savons désormais comment les bourreaux acheminaient leurs victimes et les traitements inhumains qui leur étaient infligés mais cela ne nous rendra jamais nos disparus. Au contraire, à mesure que les années passent, leur souvenir s’estompe et ils rejoignent la nuit où les bourreaux les ont plongés.

Daniel Mendelsohn a grandi dans les années 60 aux côtés de survivants de la Shoah, écoutant les histoires de son grand père Abraham. Chaque famille pleure ses disparus, morts sans sépulture, aussi Daniel Mendelsohn ne connaîtra donc jamais Schmiel, l’oncle de sa mère. Il avait décidé de rester avec les siens dans sa province de Bolechow, quelque part en Galicie quand ses frères et sœurs avaient immigré bien des années avant la guerre pour les Etats-Unis. Contre l’oubli et avant que les derniers survivants de la Shoah disparaissent, Daniel Mendelsohn voyage à travers le monde et recueille de précieux témoignages pour reconstituer le parcours tragique de son grand oncle mais surtout pour recueillir le plus d'informations possible sur sa vie quelque part dans un petit village d’Europe Centrale.

Daniel Mendelsohn ne cherche jamais à épater et se refuse à accumuler les souvenirs. Il se concentre sur l’essentiel, l’histoire des siens et de leur ville natale, signant là un témoignage bouleversant. Rien ne subsiste de Schmiel, d’Ester et de leurs quatre filles. Aussi chaque détail aussi infime soit il revêt une importance capitale puisqu’il ne reste plus aucune trace de ce monde perdu. La quête de Daniel Mendelsohn lui permet ainsi de renouer avec l’histoire familiale et d’examiner sous un autre jour son rapport au Judaïsme, évoqué à plusieurs reprises à travers les citations des premiers paragraphes de la Torah. Surtout, les rencontres avec les survivants ouvrent de nouvelles perspectives, rapprochent Daniel Mendelsohn de ses ancêtres. Mme Begley lui donne ainsi une seconde chance de connaître quelqu’un de la culture et de l’époque de son grand père, de poser les questions que l’auteur ne savait pas comment poser à vingt ans.

L’enquête ranime également de mauvais souvenirs mais l’essentiel n’est pas là. Les musées ne permettent pas de nous rendre compte ni de l’horreur de la Shoah, ni de la vie de ces personnes. Les gens pensent qu’il n’est pas important de savoir si un homme était heureux ou s’il était malheureux. Mais c’est très important parce qu’après l’Holocauste, ces choses ont disparu. Tout est là, dans cette articulation entre l’intime et la grande Histoire à laquelle Daniel Mendelsohn aura arraché 6 noms parmi 6 millions de disparus. Nous partons un par un mais à travers la littérature nous pouvons nous retrouver à travers la littérature et continuer à vivre dans le cœur de ceux qui ne nous ont pas ou peu connu. Les Disparus en apporte la formidable démonstration. Une lecture qui ne s’oublie pas.

Editions Flammarion, 650 pages, 26 euros, Prix Médicis Etranger 2007
J.H.D. 

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