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Le Village de l'Allemand de Boualem Sansal, Gallimard
 

Un aveuglement

Quand on demandait au fils de Josef Mengele pourquoi son père en fuite quelque part en Amérique latine, ne se rendait pas à la Justice, il expliquait que ce n’était pas son affaire. C’est à lui de décider. Tout n’est pourtant pas aussi simple et le passé laisse des traces indélébiles comme le montre la tragédie des frères Schiller

1994. Des islamistes attaquent le petit village de Ain Deb dans les environs de Sétif. Un massacre. Ils égorgent la plupart des habitants dont les parents de Rachel et Malrich, deux jeunes qui ont grandi dans une cité de la région parisienne. L’aîné, Rachel, cadre dans une grande multinationale et bien intégré, retourne sur les lieux du drame et de son enfance. A sa stupeur, la tombe de son père Hans Schiller ne mentionne pas son nom allemand. En fouillant dans la maison familiale, il découvre dans une valise les preuves du terrible passé de son père engagé dans les rangs SS pendant la seconde guerre mondiale…

Les enfants doivent ils payer pour les fautes de leurs parents ? Rachel (contraction de Rachid/Helmut) se persuade progressivement de sa responsabilité. Se découvrir fils d’un bourreau est pire que d’avoir été soi même bourreau. Au fils de ses voyages à travers l’Europe, le jeune homme remonte le temps et se rapproche de la réalité de l’Holocauste qu’il ne soupçonnait pas.

Boualem Sansal aborde en effet un sujet tabou dans son pays : la représentation de l’extermination des juifs et sa négation. Une chape de plomb s’étend sur l’Algérie, un silence un aveuglement qui recouvre même les tombes des morts. A Ain Deb, Hans Schiller était un héros de la guerre d’indépendance vénéré. Pour les fils, il porte une double responsabilité dans la mesure où il a participé à la création d’un régime capable d’engendrer un Islamisme radical et meurtrier. Les massacres de Ain Deb renvoie finalement les frères Schiller à la réalité de l'Holocauste par le biais de leu père.

Boualem Sansal s’interroge sur l’identité de ces deux frères écartelés entre une République dont ils ne perçoivent plus les valeurs d’intégration et des radicaux qui les endoctrinent. Le Village de l’Allemand offre ainsi la chronique peu reluisante d’un quartier qui se désagrège et où les autorités renoncent progressivement à exercer leur prérogatives. On peut néanmoins reprocher à l’auteur quelques amalgames douteux quand il compare l’Algérie contemporaine ou une cité française à un vaste camp de la mort. Le livre trouve pourtant une terrible cohérence dans les mensonges proférés par les imans et le gouvernement algérien. Dans les deux cas, Boualem Sansal démontre comment la négation de l’horreur conduit de nouveau à l’horreur.

Editions Gallimard, 263 pages, 17 euros
J.H.D. 

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