chroniques littéraires
Les gens indispensables ne meurent jamais de Amir Gutfreund, Gallimard |
Amir et Efi appartiennent à une génération qui née dans les années 60 n’a pas connu l’Holocauste. Ils vivent pourtant entourés de rescapés des camps mais ces derniers meurtris par la guerre n’osent pas parler de leur terrible expérience. Amir, Efi et les autres enfants du quartier sympathisent pourtant avec ces adultes. Ils inventent la loi de la compression qui permet de construire avec les survivants de la Shoah une famille imaginaire mais soudée par la vie de tous les jours. Mais au fil des ans, les silences ne suffisent plus. Amir et Efi veulent comprendre ce qui s’est passé et pressent grand père Lolek et grand père Yosef de raconter leur histoire… Amir Guttfreund a tissé dans son expérience personnelle et son enfance la matière de ce roman singulier sur la mémoire de la Shoah. Comme Daniel Mendelsohn avec Les Disparus, il s’agit de questionner des proches à la recherche du moindre élément qui permettrait de comprendre la barbarie nazie. Amir Guttfreund évolue néanmoins dans un registre différent. Les gens indispensables ne meurent jamais n‘est pas vraiment une enquête mais un livre romancé où les différents membres de la famille d’Amir et d’Efi témoignent de leur expérience des camps ou de la guerre. L’écriture vivante alterne la comédie (l(l'avarice de grand père Lolek) avec des passages nettement plus sombres notamment quand Grand Père Yosef raconte son expérience des camps. La Shoah est envisagée frontalement, presque viscéralement : au-delà des faits et des morts, le livre questionne les fondements mêmes du judaïsme quand il n’y a plus aucune raison de croire en un dieu qui laisserait commettre de telles atrocités. Malheureusement la fin du livre laisse un goût amer. Amir Guttfreund arrive à des conclusions navrantes en décalage avec son récit. Mais c’est surtout l’épilogue qui passe mal : Amir Guttfreund avoue avoir instrumentalisé nos sentiments. Si on peut reconnaître son honnêteté, cela ne suffit pas à racheter cette faute impardonnable qui jette le discrédit sur un livre dont la lecture ne présente finalement que peu d’intérêt surtout en comparaison avec l’œuvre poignante de Daniel Mendelsohn d’où il émerge une vérité autrement plus forte, la lueur d’un souvenir sauvé dans un océan d’oubli. Editions Gallimard (Du Monde entier), 502 pages, 24 euros J.H.D.
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