chroniques littéraires
La Meilleure part des hommes de Tristan Garcia, Gallimard |
Paris, fin des années 80. Plusieurs personnages se croisent, s’aiment et se déchirent. Journaliste à Liberation, Dominique Rossi participe à la fondation de Stand, l’un des premiers mouvements d’émancipation de la cause gay. Il se lie avec William, écrivain à ses heures perdues qui par ses outrances et ses happenings devient une icône du milieu gay. Dans le même temps, Michel Leibowtiz, un intellectuel de gauche fait évoluer sa pensée sans se rendre compte qu’il bascule progressivement vers l’autre bord politique. Amie de William et de Dominique, sa maîtresse Elisabeth attend dans l’ombre qu’il se décide à rendre publique leur relation… Pour son premier roman, Tristan Garcia fait preuve d’une surprenante maturité, parvenant à décrire avec un réalisme troublant une époque qu’il n’a guère connue. La meilleure part des hommes rend compte de différentes lignes de fracture au sein de la société française contemporaine. L’émergence d’associations militant en faveur des droits des homosexuels préfigure certaines dérives communautaristes observées récemment. Ces tensions apparaissent même au sein d’un même groupe comme en témoigne la haine féroce qui scelle les liens entre le Doum et Will. Tristan Garcia appréhende cette rivalité comme un conflit de générations. Les années 80 marquée par La Grande Joie et la recherche d’un plaisir débridé ont laissé des traces chez les anciens. Ils ont perdu beaucoup de proches, emportés par le sida, une réalité que les plus jeunes comme Will ne comprennent pas. Plus que sa différence, ce personnage revendique avant tout une sorte de jouissance totale, symbolisé par le bareback et autres pratiques à risques. Les positions du Doum et de Will deviennent rapidement violemment antagonistes. Le jeune homme trahit son mentor. Il essaie de capter une partie de son influence sur la communauté gay. Le jeune romancier signe un roman de la trahison, du renoncement à ses idéaux. Dominique se retire sur son île alors que le Leib quitte Elisabeth malgré ses promesses. L’intellectuel bascule à droite comme de nombreux intellectuels de gauche. Plus qu’une trahison, le livre témoigne d’une évolution majeure du paysage culturel et politique français. Car Leibowitz n’est pas le seul à virer de bord. D’autres suivront et rejoindront la cohorte de ceux que Daniel Lindenberg désignera abusivement les Nouveaux Réactionnaires. Ils partagent tous la peur du déclin de la France dans une République morcelée par les revendications de ses minorités. A partir de simples histoires d’amour et de déceptions sentimentales, Tristan Garcia articule une réflexion puissante sur la société française et ses évolutions contradictoires. A vingt sept ans et pour un premier roman, ce n’est pas rien Prix de Flore 2008 Editions Gallimard, 303 pages, 18.50 euros J.H.D.
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