chroniques littéraires
La fabrique des jeunes gens tristes de Keith Gessen, Editions de l'Olivier |
Grandir L’état d’une société se mesure à l’aune de sa jeunesse. Alors que dans les années 80, les yuppies de Brett Easton Ellis et Jay Mc Inerney voulaient faire fortune à tout prix, les bobos des années 2000 ne savent plus vraiment où ils en sont. En attendant leur heure, ils économisent sur tout et se posent de grandes questions existentielles : comment sortir de l’impasse le conflit au Proche Orient ? Comment comprendre les femmes ? Menchevik ou Bolchevik ? Sam, Keith et Mark sont universitaires ou écrivains en herbe et se trouvent à un moment crucial de leur vie. L’avenir leur appartient mais pour combien de temps encore ? Mark prépare une thèse sur les mencheviks depuis de longues années. Sam tarde à écrire le grand roman sioniste de la littérature américaine. Quant à Keith, il se remet à peine de la défaite de Al Gore aux élections présidentielles. Tous trois sont obsédés par leur désir et leurs frustrations sexuelles ou politiques. Keith Gessen n’est cependant pas le Houellebecq américain. Ce jeune auteur s’amuse des déboires de ces héros, de leur immaturité chronique qui consiste souvent à chercher dans l’histoire du communisme ou d’Israël un prolongement de leur vie. Certaines comparaisons sont hilarantes, notamment quand Mark invoque Lénine pour stigmatiser ses propres faiblesses qualifiées de trahisons sociales démocrates. En filigrane, Keith Gessen dessine le portrait d’un milieu, celui des intellectuels américains dont les valeurs dérivent. La célébrité a remplacé l’ambition d’où cette obsession incroyable de Sam pour sa page google. Ce que vous pensez importe moins que le nombre de livres que vous avez publiés Keith Gessen questionne également le rapport de ses héros à Israël alors que la seconde intifada anéantit les espoirs de paix nés des accords d’Oslo. Ils sont tiraillés entre leur lien affectif avec l’état hébreu et la réalité du terrain. Comme l’état hébreu, ils sont menacés par la perte de leur identité. Le passage à l’âge adulte s’accompagne forcément de choix douloureux, de renoncements. Le talent de Keith Gessen consiste à illustrer les dilemmes de Sam et des autres comme s’ils étaient cornéliens alors qu’ils doivent juste grandir. Cette farce grinçante se termine néanmoins sur une note optimiste où Sam, sûr de ses sentiments et de ses choix retrouve la fougue de sa jeunesse. La lutte peut continuer. Editiosn de l'Olivier, 299 pages, 22 euros |
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