chroniques littéraires
Trois femmes puissantes de Marie N'Diaye, Gallimard |
Seules au monde Ballotée d’un continent à l’autre, instrumentalisée par un mari égoïste, humiliée par leur belle famille, les héroïnes de Marie NDiaye ne se forgent que dans l’adversité et la solitude. Elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes. Dans ces trois récits reliés entre eux par des fils invisibles (une maison, une lointaine cousine…), l’auteur saisit trois femmes à un moment charnière de leur vie. Devenue une brillante avocate, Norah retourne en Afrique pour renouer avec son père, un homme cruel qui a brisé sa famille et qui lui demande d’assurer la défense de son frère emprisonné pour le meurtre de sa belle mère. Fanta s’est mariée avec un professeur de français, spécialiste de littérature médiévale, révoqué après une violente altercation avec ses élèves. La propre déchéance de cet homme, moqué par une étrange statue, sa mesquinerie ou sa jalousie mettent en relief l’impasse dans laquelle se trouve son couple. Enfin Khady, rejetée par la famille de son défunt mari, tente de (re)gagner clandestinement la France et s’engage dans un long périple aux multiples dangers. Marie NDiaye met en évidence l’écartèlement de ces femmes partagées entre l’Afrique et la France, nées comme elle sur le continent africain et ayant construit leur vie en France. La localisation imprécise des récits accentue ce sentiment de déracinement. Elles ne se sentent plus aucune attache. Leur esprit vagabonde d’un lieu à l’autre, d’un souvenir à l’autre, porté par un subtil jeu de récits imbriqués. L’écriture minutieuse de Marie NDiaye se distingue par sa profonde dimension psychologique. Sa langue riche évite les répétitions pour atteindre d’infinies nuances. Les blessures des héroïnes n’en restent pas moins profondes et traduisent une aliénation à une famille, un père, un mari. Elles s’inscrivent dans un vaste mouvement plus général par lequel Marie NDiaye illustre les désordres du monde : violence aveugle renvoyé contre un père, flux migratoires insensés où chacun se risque à perdre son humanité pour la promesse d’un monde meilleur. Assurément l’un des meilleurs romans de la rentrée littéraire. Editions Gallimard, 315 pages, 19 euros J.H.D.
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