chroniques littéraires
Le Golem de Gustav Meyrink, Flammarion |
Prague, milieu du XIXeme siècle. Un individu s’endort à la lueur de la pleine lune. A moitié éveillé, à moitié perdu dans ces rêveries, une voix interpelle sans cesse sa conscience, l’interrogeant sur une mystérieuse pierre « qui ressemble à un morceau de graisse » … Le jour se lève sur le vieux quartier juif de la capitale tchèque. L’individu sort de son sommeil et se met à observer son voisinage : En face, devant son échoppe, Wasserstum, l’horrible brocanteur au bec de lièvre, l’épie de son regard fuyant. Soudain, une jeune femme frappe à sa porte suppliant l’aide d’un tailleur de pierres, un certain Maître Pernath, ce qui rappelle au dormeur sa véritable identité… Quelques jours plus tard, la peur se répand dans la vieille ville de Prague : le golem, le monstre d’argile de la tradition juive , erre à nouveau dans les ruelles du vieux quartier, semant la terreur sur son passage… L’ombre de Victor Hugo plane sur ce roman de Gustave Meyrink. Le romancier autrichien, parvient comme l’auteur de Notre-Dame de Paris, à recréer l’ambiance d’un quartier, en l’occurrence le vieux quartier juif de Josefov à Prague. Meyrink nous décrit ainsi des personnages pittoresques poussant à l’extrême leurs descriptions physique et psychologique au moyen d’une langue riche et précise. Il nous dévoile la promiscuité, l’insalubrité, la violence mais aussi la piété qui règne alors dans ce quartier de Prague avec ses ivrognes, ses fous, ses brigands, ses juifs illuminés…et son golem, qui évoque le Moyen-Âge de la cour des Miracles et de Quasimodo ou le Londres de Docteur Jekyll & Mister Hyde. Autre atout, Meyrink maintient le lecteur dans l’expectative tout au long du roman, évitant de répondre aux interrogations suscitées par la progression de l’intrigue. Le génie de l’auteur réside ici : loin de créer une distance entre son héros Athanasius Pernath et le lecteur, Meyrink réussit à les confondre parfaitement. La position du lecteur du roman, face à un objet mystérieux qui le happe mais qu’il ne saisit pas (le récit) se rapproche en effet fortement de la situation du héros Pernath face aux troubles de son existence. Comme ce dernier qui doute de sa conscience, le lecteur avance dans le brouillard le plus complet, ne sachant pas distinguer le vrai du faux, l’être et le semblant. De ce fait, ce voyage à travers les brumes d’une Prague disparue (le quartier juif a été assaini à la fin du XIXèmè siècle) captive et effraie à la fois ! Enfin, la fin très réussie du roman rappelle avec surprise au lecteur que le cinéma hollywoodien est loin d’avoir tout inventé (cf l’un des grands thriller américains de ces dix dernières années)… Editions Flammarion (GF Littérature), 11.50 euros M.D.
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