sommaire
disques
agenda
@ interviews
articles

Inscrivez-vous à la newsletter PurJus

Initiales B.B.

1 2 3 4 5

PurJus: On dit souvent que votre musique est solaire. Solaire ca pourrait peut-être se rattacher à Sun Ra?

BB: Dans les années 70, quand j'étais adolescent, Sun Ra ça me fascinait déjà pour les pochettes, pour toute cette apparence. Tout ça ressemblait un peu à la musique cosmique telle qu'on pouvait l'imaginer, et souvent j'étais assez déçu quand je l'entendais, le côté free jazz... Y'a quelque morceaux que je connais que je trouve extraordinaires et en particulier une chanson que j'avais pensée à reprendre d'ailleurs sur scène qui s'appelle "Enlightments" qui est un morceau génial.
Mais je ne connais pas assez Sun Ra. Je sais qu'il y a des choses qui me plaisent dedans mais je sais que je ne connais pas tous les trucs qui me plaisent dans Sun Ra.
Pour moi le côté solaire est tout de suite lié à une certaine tristesse. Tout l'univers un peu comme ça "le soleil, la plage..., " c'est quelquechose qui me déprime assez profondemment. C'est pour ça que musicalement, quand j'essaye de le transcrire, y'a une double lecture : parce que ça peut être interprêté hâtivement comme un truc un peu superficiel, et puis pour moi y'a un truc assez mélancolique...

PurJus: Vous seriez peut-être en train de pleurer sur la pochette alors ?

BB: Ah euh ouais... disons que sur la pochette de l'album je suis allongé sur une plage mais ça veut pas dire "Salut les gars ! J'me la coule douce...". Mais je tiens à garder un peu cette ambiguïté. Je veux pas non plus revendiquer un côté noir, parce que finalement dans le rock, les choses les plus noires ne sont pas forcément celle qui en ont le plus l'apparence. Ca m'amuse parfois de passer un peu pour le roi du kitsch. Ca me semble injuste mais finalement... bon... Y'a certains malentendus qui deviennent amusants avec le temps.

[Robert Wyatt - "Shleep"]

BB: Robert Wyatt, alors justement c'est un bon exemple de tristesse douce, enfin, qui n'en n'a pas l'apparence. "Rock Bottom" c'est un des premiers disques que j'écoutais. A l'époque j'avais 11 ou 12 ans et j'étais fan de Pink Floyd, qui cartonnait avec "Money" en France, et j'ai vu dans un magasin "produced by Nick Mason". C'était vraiment le sticker Pink Floyd sur la pochette qui m'avait attiré vers "Rock Bottom", et quand je l'ai entendu, j'étais très déconcerté. C'était une musique d'apparence assez fade, ça ressemblait pas du tout au rock tel qu'on pouvait l'imaginer à l'époque, et en même temps y'avait quelque trucs qui me bluffaient.
Y'a plusieurs écoles pour transcrire ce genre d'émotions : l'école directe à la Joy Division et tout ça, qui est tout à fait respectable, mais je suis plutôt pour la tendance Robert Wyatt. Je trouve que les trucs les plus forts dans ce genre là, c'est quand l'émotion est un peu sous-jacente, et les choses sont dites avec une certaine désinvolture. Mais à chaque époque les trucs qu'on prend le plus au sérieux, finalement on se rend compte que c'étaient les moins sérieux. Dans les années 70, le rock sérieux c'était quand même Genesis, et Roxy Music passaient vraiment pour des snobs. Et aujourd'hui, on se rend compte finalement que Roxy Music c'était peut-être pas si mal que ça.

[...]

BB: Il arrive au rock ce qui est arrivé au jazz. Le rock c'est quand même une musique qui a 50 ans, et y'a un moment où ça devient un simulâcre. On est dans une société où la plupart des gens qui tiennent les rouages de la société ont grandi avec le rock. Disons que les aspects de rebellion du rock, aujourd'hui, sont très institutionalisés. Et bon, tous les trucs à la Offspring, Blink machin truc, la plupart des trucs qui passent sur Canal Plus à NPA, – y'a aussi des trucs bien – mais il y a toute une partie qui me paraît artificielle.
De la même façon qu'on va à un concert de jazz ou de blues aujourd'hui, y'a un truc un peu factice. Tout ce que le rock peut véhiculer de danger, d'électricité, c'est pas forcément dans les concerts de rock qu'on va le trouver, y compris dans les concerts un peu hardcore. Aujourd'hui on s'en rend compte quand on tourne. Les tournées sont quand même bien organisées, les salles sont bien équipées en France. La vie d'un groupe de rock en tournée, y compris un groupe hardcore, je dis pas que c'est une vie de petits papis mais... Même les groupes les plus extrêmes au bout d'un moment ils ne pensent plus qu'à bouffer. C'est la seule activité de la journée à part le soundcheck et le concert. C'est assez surprenant. On voit des mecs qui font de la musique assez dure qui deviennent des spécialistes des wine-lists et tout ça.
Ca veut pas dire qu'on pourra pas faire des choses intéressantes comme dans le jazz. Mais en soi-même, ce sont des genres qui vont avoir tendance à se répéter. Et en plus il y a un passé maintenant qui devient très pesant. Y'a eu tellement de bonnes choses qui ont été faites.
Je pense que la musique en 100 ans a produit beaucoup plus de révolutions, de choses différentes que le cinéma par exemple, qui était pourtant un art neuf : en 100 ans, il n'y a pas eu de changements aussi importants qu'en musique : y'a eu la couleur, et c'est à peu près tout quoi.
Mais en musique y'a eu un nombre de courants très très différents qui est énorme. Et donc au bout d'un moment, on choisit de les ignorer complètement, et je pense que ça a été la force de certains mouvements comme le punk ou la techno au départ, c'était de faire table rase... en même temps c'est une "demi table-rase". Le punk c'était plus de revenir au côté un peu sauvage du rock des débuts, et la techno, c'était revenir à la musique électronique des débuts. Mais en même temps, on va un peu en arrière pour aller de l'avant.
Aujourd'hui un groupe de rock qui sort un truc, ça ne m'interesse pas. Parce que je sais qu'en général, c'est un pompage d'un truc qui a déjà été fait. Donc je suis plus intéressé à la limite, plus épaté par certains trucs de R&B, qui est un genre qui n'est pas du tout ma tasse de thé, parce que vocalement c'est très démonstratif. Au moins j'y trouve quelque chose de très moderne, de très sauvage, très digital, ce côté son hâché, complètement artificiel, ça m'interesse plus que des gens qui sous prétexte de faire quelquechose de neuf, en fait sont en train de repomper, souvent même sans le savoir, en moins bien, des trucs qui ont déjà été faits trente ans plus tôt.
C'est un peu paradoxal, parce que je passe pour quelqu'un d'un peu passéiste musicalement, mais j'ai la prétention de penser de l'être moins que la plupart des groupes de rock aujourd'hui.

la suite (4/5)

< autres interviews <



chroniques de Bertrand Burgalat

Bertrand Burgalat 
'The sssound of mmmusic'  

> toutes les chroniques



Copyright 2000-2024 PurJus.net - <redac [AT] purjus [POINT] net> [*]
([*] veuillez supprimer les espaces pour former l'adresse mail réelle, merci -
ceci est fait pour lutter contre les collecteurs automatiques d'emails -
anti-spam)